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Jardin des Tout-petits-Adolphe-Lafont et square de la Roseraie

Le jardin des Tout-petits-Adolphe-Lafont et le square de la Roseraie, aménagés de part et d’autre de l’avenue Marc-Sangnier, sont des espaces verts publics situés dans le quartier de la Ferrandière. En 1926 et 1956, ces terrains sont respectivement donnés à la Ville selon le souhait de Pauline Lafont, soucieuse d’améliorer le cadre de vie des habitants du quartier. Jardin innovant réalisé en fin des années 1920 et témoignage des préoccupations hygiénistes et sociales de la Ville au début du 20e siècle, le jardin des Tout-petits est le premier espace de jeux aménagé pour les enfants de moins de six ans.

Jardin des Tout-petits, les enfants autour des bacs à sable, 1930 (AMV 4R22)
Jardin des Tout-petits : fresque de Dettre (1932) (AMV 4R22)
Inauguration du jardin en 1929 : le maire Lazare Goujon et Pauline Lafont (ph. Popineau, 19Fi233)
groupe d'enfants jouant avec en arrière plan, l'usine de teinture de peaux Lacourbat-Claret-Confavreux.(AMV 4Fi460)
square de la Roseraie en 2016 (ph. Majdar)

Auteur(s) : Sandrine Majdar, historienne

Les établissements Adolphe Lafont

Le jardin et la roseraie font partie, au début du 20e siècle, de la propriété de la famille Lafont. Adolphe Lafont (1870-1952), industriel spécialisé dans la fabrication de vêtements, acquiert en 1919 un terrain de 20 000 m² dans le quartier de la Ferrandière et fait construire une villa[1] attenante à sa nouvelle usine de tissage[2]. Avec son épouse, Pauline Lafont (1879-1955)[3], il est soucieux de la dimension sociale de son entreprise qui fait prospérer le quartier pendant une quarantaine d’années.

Les préoccupations hygiénistes de la municipalité

Au cours du premier quart du 20e siècle, la municipalité de Lazare Goujon, axée sur les problèmes d’hygiène et de santé publique, tente d’améliorer les conditions de vie de la population. Elle mène les premiers projets consacrés à l’enfance en incitant la création de cantines scolaires, de garderies, d’écoles populaires sportives, d’internats et colonies à la campagne et à la montagne et d’une inspection médicale des écoles.

Au cours de cette période, les parcs, squares et jardins existants se révèlent inadaptés aux besoins de la petite enfance. Dans ce contexte, en 1925, Pauline Lafont, très investie dans le domaine social, propose à la municipalité de céder une partie de son terrain, à condition qu’il soit affecté à la création d’un jardin pour les enfants de moins de six ans et leurs mamans. Lors de la séance du 17 septembre 1925[4], le conseil municipal accepte le don et ses conditions. Le terrain d’une superficie de 2900 m² est compris entre l’avenue de la Ferrandière[5] et les rues Pascal et Lafontaine[6], non loin de l’usine Lafont.

Une conception innovante pour le bien-être des tout-petits

Pauline Lafont collabore étroitement avec la municipalité dans la réalisation de ce projet. Ensemble, ils font aménager un jardin où les enfants peuvent s’ébattre dans les meilleures conditions d’hygiène et de sécurité, ainsi qu’un lieu où les mamans peuvent se reposer tout en surveillant leurs enfants. Le dessin en est confié à l’ingénieur et architecte Tresch[7]. L’espace, de forme triangulaire, est clos par un mur à claire-voie en ciment et un portail imposant ouvrant sur l’avenue de la Ferrandière. La plantation d’arbustes et d’arbres tente d’isoler le jardin du vent, des poussières de la rue et des usines environnantes. Des allées, finement sablées et sillonnées régulièrement par des rigoles en ciment munies de grilles d’évacuation, permettent de desservir les différents espaces verts et de jeux du jardin.

Il présente un préau central en béton avec des piliers imitant la forme naturelle des troncs d’arbres. Il se compose également d’un pavillon destiné à la surveillante du parc qui veille à la propreté et aux soins des enfants. Afin que les mères puissent s’absenter quelques instants, une petite enceinte fermée, accolée au pavillon, permet à la surveillante de garder des enfants sous son entière responsabilité. Des jeux variés et adaptés sont intégrés au jardin. Un vélodrome miniature, une montagne artificielle, des bacs à sable, des balançoires ainsi qu’un labyrinthe, dont les parois en ciment sont décorées par des personnages de contes, contribuent à l’amusement des petits. La structure des bacs à sable en forme de tour permet de distribuer du sable renouvelé, par l’intermédiaire de petites ouvertures. L’ensemble de ces installations s’inscrit dans le discours hygiéniste de l’époque.

Le jardin, encore inachevé, est inauguré le 14 avril 1929[8] par le maire Lazare Goujon en présence de Pauline Lafont. Au cours de l’année 1932, le peintre Dettre entreprend la réalisation de fresques à l’intérieur du préau et du pavillon de la surveillante. Ces scènes colorées dans un style enfantin assorties de textes,  illustrent les principes d’une hygiène familiale saine dans les années 1930. « Nous voulons ne pas être saucissonnés, pas de fumée, être protégés des mouches, de l’air et du soleil, être nourris régulièrement, des aliments sains » et encore,  « Les mamans veulent des enfants propres, sains et forts, sages, obéissants, charitables, sincères, affectueux ». La dernière partie de la fresque laisse animaux et fleurs s’exprimer : « Les animaux veulent vivre en liberté et ne pas être épinglés », disent les papillons, « ne pas être arrachées car nous vivons aussi » s’exclament les fleurs, « vivre dans notre nid avec papa et maman et être nourris en hiver » réclament les oiseaux.

Restauration et modernisation du jardin des Tout-petits

Le jardin des Tout-petits est fermé et rénové une première fois au début des années 1980. Les fresques du préau sont restaurées par un peintre villeurbannais, Nicolas. Le pavillon de la surveillante est repeint, les réseaux d’assainissement et d’alimentation sont repris, le sol est nivelé et de nouveaux jeux sont installés. Le maire Charles Hernu inaugure le jardin restauré le 2 juillet 1982[9].

Devenus trop contraignants à gérer, les bacs à sable d’origine ont été supprimés. La clôture et l’entrée initiales sont remplacées. A partir de 2005[10], sont intégrés de nouveaux mobiliers et jeux qui côtoient ceux de 1930.

Le 17 décembre 1991, dans une lettre au maire Gilbert Chabroux, l’association des Anciens du personnel Adolphe Lafont[11] demande d’accoler au nom du jardin celui du fondateur des établissements Lafont et de son épouse qui participa activement à sa réalisation. Le 21 mars 1994, le conseil municipal rebaptise l’espace « Jardin des Tout-petits-Adolphe-Lafont » et Gilbert Chabroux l’inaugure le 26 octobre 1994[12]. Aujourd’hui, les installations de 1930 et la fresque du préau témoignent des préoccupations et des propos liés à l’hygiène de vie au début du 20e siècle.

Le square de la Roseraie

Situé à l’angle de la rue Pascal et de l’avenue Marc-Sangnier, le square de la Roseraie s’étend sur une superficie d’environ 3100 m². Avant son décès en 1955, Pauline Lafont émet le souhait de remettre la propriété de sa roseraie à la Ville afin qu’elle soit aménagée en un jardin public[13]. La municipalité devient propriétaire du terrain en 1956[14] et voit l’occasion de créer un nouveau square permettant d’améliorer l’hygiène de la Ville. Pendant du jardin des Tout-petits, le square de la Roseraie permet de créer un espace de détente et de délectation pour les adultes, dont le quartier était auparavant dépourvu. Le jardin se compose d’une imposante pergola autoportante en béton et d’une promenade principale faisant le pourtour de la roseraie.

Villeurbanne et ses roses

C'est dans ce square qu'est planté le 12 février 1992, le premier rosier "Ville de Villeurbanne". En effet, le manifeste municipal de 1983[15] prévoyait d'attribuer ce nom à une fleur. Aussi le maire Charles Hernu se rend-il en 1988 à Chamagnieu au sein de la propriété de la famille Guillot[16], spécialisée dans la création et la production de rosiers. Son choix s’oriente sur une rose « dont les pétales chair saumonée s’ourlent vers le cœur d’un magnifique rouge magenta »[17]. L'obtenteur Guillot la décrit ainsi : variété à grande floraison, d'une odeur puissante, résistante aux aléas météorologiques. Au printemps 1992, le maire Gilbert Chabroux célèbre le baptême de la rose « Ville de Villeurbanne » dont Juliette Gréco, venue chanter à Villeurbanne dans le cadre du festival Éclanova, devient la marraine[18].




Notes

[1] Conçue entre 1921 et 1925, la Villa Lafont est inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques depuis le 29 avril 1991.

[2] Usine de 6000 m² pouvant accueillir 400 métiers à tisser.

[3] Née Pauline Falb, elle épouse Adolphe Lafont le 7 mai 1896. Le couple a une fille unique, Marcelle (1905-1982).

[4] 1D276 : Délibération du conseil municipal de Villeurbanne, séance du 17 septembre 1925 : création d’une place publique exclusivement réservée aux tout-petits dans le quartier de la Ferrandière, p. 213-214.

[5] Devenue avenue Marc Sangnier depuis la délibération du 16 mai 1966.

[6] Donation réalisée le 3 avril 1926 par un acte notarié précisant destination et bénéficiaires du terrain.

[7] « Inauguration du Jardin des « Tout Petits », Bulletin Municipal Officiel de la ville de Villeurbanne, n° 37, mai 1929, p.823.

[8] 4R22 : Fêtes inaugurales et commémoratives : Inauguration du Jardin des Tout-petits (14 avril 1929).

[9] « Le jardin des Tout-petits », Vivre à Villeurbanne, n° 23, juillet-août 1982, p. 25.

[10] 352W282 : Réaménagement du jardin des Tout-petits Adolphe Lafont (2004-2005).

[11] Association fondée selon le souhait de Pauline Lafont et de sa fille, afin de regrouper le personnel de la société créée par Adolphe Lafont.

[12] 352W94 : Dénomination des espaces publics (1994-1997).

[13] 1D287 : Délibération du conseil municipal de Villeurbanne, séance du 14 novembre 1955 : projet d’acquisition de deux parcelles de terrain contiguës, pour la création d’un jardin public dans le quartier de la Ferrandière, p.399-400.

[14] 2979W2378 : Matrice cadastrale rénovée de Villeurbanne, parcelle H 133 (1943-1974).

[15] 275W5 : Cabinet du maire Chabroux : manifestations, invitations et réceptions (1992).

[16] Fondée en 1829, la roseraie Guillot est située à Chamagnieu (Isère). Les frères Jean-Pierre et Jean-Marc Guillot créent la rose « Ville de Villeurbanne ».

[17] 275W5 : Cabinet du maire : manifestations, invitations et réceptions (1992).

[18] « Les roses de Villeurbanne », Viva Villeurbanne, n° 66, juillet 1992, p. 5.


Sources

Archives départementales du Rhône :

2979W2378 : Matrice cadastrale rénovée de Villeurbanne, parcelle H 133 (1943-1974).

2979W2383 : Matrice cadastrale rénovée de Villeurbanne, parcelle H 627 (1943-1974).

 

Archives municipales de Villeurbanne :

Versement dir. patrimoine non coté : vente du domaine de La Ferrandière de Villeurbanne : acte notarié (3 avril 1926) .

 1D276 : Délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (26 août 1924-19 novembre 1928), séance du 17 septembre 1925, p. 213-214.

 1D287 : Délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (1954-1956), séance du 14 novembre 1955, p.399-400.

 4R22 : Inauguration du Jardin des Tout-petits : affichette, invitations et courriers de réponses (1929).

 275W5 : Cabinet du maire : manifestations, invitations et réceptions (1992).

 275W22 : Cabinet du maire : manifestations, invitations et réceptions (1994).

 352W94 : Dénomination des espaces publics (1994-1997).

 352W282 : Réaménagement du jardin des Tout-petits Adolphe Lafont (2004-2005).

Sources imprimées :

 Édification des Gratte-Ciel : revue de presse (1932-1936) (4C599).

 Goujon (Lazare), Villeurbanne : 1924-1934, dix ans d’administration, Lyon, Association Typographique Lyonnaise, 1934, p. 231-238. (cote AMV 2C18).

 Bazin (M.-J.), « La Famille Adolphe Lafont », Rive Gauche, juin 1986, n°97, p. 15-17.

 « Inauguration du Jardin des Tout-petits », Bulletin Municipal Officiel de la ville de Villeurbanne, n° 37, mai 1929, p.823.

 « Le Jardin des Tout-petits à Villeurbanne », La Maison Heureuse, n°18, juillet-août 1933, p. 3. (cote AMV 4C599)

 « Villeurbanne possède un jardin lilliputien pour tout petits », Lyon Républicain, n°22986, 20 juillet 1941, p. 2. (cote AMV 3C67).

 « Un Jardin pour les Tout-Petits », La Vie Lyonnaise, n°1048, 5 août 1944, p. 5-6. (cote AMV 3C138).

 « Un palais de roses et un jardin d’enfants », La Vie Lyonnaise, n°28, 16 juin 1951, p. 11. (cote AMV 3C138)

 « Le jardin des Tout-petits », Vivre à Villeurbanne, n°23, juillet-août 1982, p. 25.

« Réalisé au temps des années folles : réouverture du jardin des tout petits », Lyon Matin, 5 juillet 1982.

« Les roses de Villeurbanne », Viva Villeurbanne, n°66, juillet 1992, p. 5.

« Adolphe Lafont en son jardin », Le Progrès, 28 octobre 1994.


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