La « civilisation paroissiale »

L'église de la Nativité et ses "Coeurs vaillants", années 1930

La division de Villeurbanne en paroisses répond au modèle universel de structuration et d’organisation de l’espace voulu par l’Église catholique et diffusé depuis le haut Moyen Âge : la paroisse désigne une communauté stable de fidèles dont la charge pastorale est confiée au curé, lui-même placé sous l’autorité de l’évêque diocésain. Au centre de ce territoire délimité, l’église paroissiale est plus qu’un édifice de culte : elle est aussi le lieu de rassemblement des croyants pour les fêtes et pour les rites de passage (baptêmes, mariages, enterrements), et le point névralgique autour duquel s’organisent la socialisation et l’encadrement à la fois spirituel et social des individus, à tel point que l’on a pu parler de « civilisation paroissiale » pour désigner l’ensemble des structures et des services ecclésiaux de prise en charge locale des habitants.

On ne saurait cependant parler de paroisse « totalisante », car l’Église catholique s’est heurtée à la concurrence d’autres modèles, comme celui du socialisme municipal à Villeurbanne. Surtout, les nouvelles paroisses urbaines taillées dans les anciennes au fur et à mesure de la croissance urbaine et démographique ont perdu leur prédominance dans l’animation de la vie sociale locale du fait d’abord de la laïcisation de l’école et de l’aide sociale (à partir de la fin du 19e siècle), puis de l’allongement de la scolarité et du recul de la pratique (à partir des années 1960). La fin de la « civilisation paroissiale » n’a pas alors signifié la fin de la paroisse, mais celle d’une situation historique propre au catholicisme occidental, héritée du concile de Trente au 16e siècle, où la paroisse était devenue la forme dominante de la vie chrétienne.

Il reste que, sans que l’on puisse parler de contre-société, la paroisse urbaine reprend en ville jusque tard dans le 20e siècle un modèle hérité du monde rural, dont la « cité paroissiale » de la Nativité à Villeurbanne offre une bonne illustration dès les années 1920 accueillie dans les trois écoles du Sacré-Cœur, de Saint-Joseph et de Jeanne d’Arc (renommée de la Nativité), la jeunesse catholique du quartier Grandclément se retrouve également dans les multiples patronages qui s’activent sous l’impulsion du P. François Boursier : société de gymnastique, fanfare, Cœurs vaillants, salle de spectacle et chorale La Sentinelle. La troupe théâtrale de « la Coulisse » assure chaque année des représentations de la Passion, à proximité immédiate du pensionnat de l’Immaculée Conception tenu par les religieuses de la Providence de Corenc.

Olivier Chatelan