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Lycée Pierre-Brossolette : premières années

   Le lycée Pierre-Brossolette, encore en travaux, ouvre ses portes le 20 septembre 1965. Ce lycée mixte, conçu pour accueillir 1 500 élèves de la sixième à la terminale, résulte de la volonté de la municipalité dirigée par Étienne Gagnaire. La construction de ce lycée, municipal à l’origine, répond à d’incontestables besoins et illustre divers aspects de la réalité politique, économique et sociale de la cité villeurbannaise dans les années 1960, une ville en forte croissance démographique et en mutation, avec l’essor du tertiaire et les prémisses d’une désindustrialisation qui s’accélère dans les années 1970-1980.   

Le Lycée Pierre-Brossolette en 1970 (photo C I Mâcon) (2Fi491)
Décor mural en céramique sur lave réalisé par Édouard Chapotat et Félix Massador, en cours de pose (septembre-octobre 1965). Photographie aimablement communiquée par M.Christian Chapotat.
Inauguration du lycée le 17 avril 1966, visite d’une salle de sciences par les personnalités (Étienne Gagnaire, au centre)(19 Fi 332), photo Le Progrès.

Auteur(s) : Catherine Moulin, professeur agrégé d'Histoire

Pourquoi  un lycée à Villeurbanne ?

   Depuis les années 1950, la population villeurbannaise connaît une très forte croissance : de 81 769 habitants en 1954, elle passe à 119 829 en 1968, en raison  du baby-boom[1] mais aussi de l’immigration et de l’arrivée des Français d’Algérie.

Cependant, la France des Trente Glorieuses est aussi celle de l’explosion scolaire.[2] Les effectifs du second degré ont plus que triplé entre 1949 et 1963, ce qui constitue un rythme inédit. Il faut y voir la conséquence du baby-boom, mais aussi des progrès de la scolarisation. Ils résultent eux-mêmes d’une demande d’instruction croissante de la part des familles, de l’augmentation du niveau de vie moyen des ménages et des transformations de l’économie, qui fait de plus en plus appel à une main d’œuvre diplômée.[3] Or, Villeurbanne souffre d’un sous-équipement certain dans le secteur de l’enseignement secondaire : la ville ne dispose alors que d’un collège d’enseignement technique installé dans l’ancien Hôpital-hospice (actuel lycée Frédéric-Faÿs) et d’un collège de jeunes filles, situé place Grandclément, annexe du lycée lyonnais Edouard-Herriot. L’Etat n’envisage pas pour autant de financer la construction d’un lycée à Villeurbanne.

   Cette réalisation correspond, de fait, aux convictions profondes du maire Étienne Gagnaire. « Dans la tradition des républicains du XIXe siècle, il croit à l’instruction et lui donne la meilleure part des investissements. [...] Entre 1959 et 1971, il inaugure neuf groupes scolaires, un lycée (Pierre-Brossolette), un centre d’apprentissage (Marie-Curie) et au moins quatre C. E. S. » souligne Bernard Meuret[4].  Lors de l’inauguration du lycée, le maire affirme que « la démocratisation de la société passe d’abord par la démocratisation totale de l’enseignement dans toutes les disciplines […]. Le premier devoir reste donc de construire tous les établissements nécessaires à cet égard ». Il prolonge ainsi une longue tradition municipale à Villeurbanne, que l’on retrouve également dans la volonté de promouvoir l’identité de la cité villeurbannaise et «  d’acheminer cette ville vers son destin de grande, belle et indépendante cité. » [5]

   La construction du lycée

Dès la fin des années 1950, la municipalité envisage la création d’un lycée. En 1957, elle fait l’acquisition d’une parcelle appartenant à la société Devay-et-Paule, alors en liquidation, pour y réaliser un jardin public. Sur ce terrain se trouvent diverses entreprises, notamment les établissements Barbier-et-Barbezat, fabricants et négociants d’huiles et de graisses industrielles. En 1959, la municipalité décide de ne pas reconduire le bail de location de cette petite entreprise d’une vingtaine de salariés, et de construire le lycée sur son terrain. Mais son éviction s’avère difficile en raison d’un contentieux sur le montant de l’indemnité due par la municipalité.

Ces faits illustrent le caractère encore très industriel de Villeurbanne jusqu’à la fin des années 1960. En 1968, l’industrie représente les deux tiers des emplois dans la  commune. Or, si les entreprises importantes ont déjà tendance à partir pour s’installer dans les zones industrielles de l’est lyonnais, voire dans ce qu’on appelle alors le  Tiers-Monde, « les petites et moyennes entreprises hésitent davantage à se séparer du contexte urbain et de leur main d’œuvre ; pour elles, le transfert est souvent une démarche obligée et rarement une stratégie ou un désir de réorganisation. » L’entreprise Barbier-et-Barbezat illustre cette remarque de Marc Bonneville. [6]

En juillet 1960, le conseil municipal désigne comme architecte Georges Degaine, mais « en raison de la nature particulière des travaux », il lui adjoint par délibération du 11 décembre 1961, Marcel Salagnac, architecte agréé par le ministère de l’Éducation nationale.

Le financement

Le 23 juillet 1962, Étienne Gagnaire présente au conseil municipal le projet établi par les deux architectes. L’État accorde une subvention correspondant à 50% du montant initial. Mais, en définitive, le coût des travaux passe de 7 à près de 9.5 millions de francs et la subvention de l’État ne représente plus que 37% du total. Le conseil municipal doit souscrire plusieurs emprunts[7]. Le jour de l’inauguration, Étienne Gagnaire juge « disproportionnée » la part de la Ville à la construction du lycée, qui a débuté en décembre 1963. Le maire souligne régulièrement, en conseil, « l’urgence qui s’attache à la réalisation de ces travaux ». Dès  juin 1965, il peut annoncer l’ouverture du lycée le jour de la rentrée, le 20 septembre, soit un an avant la date prévue.

Le décor

Bien que municipal, le lycée bénéficie de la loi du 1% artistique[8]. Édouard Chapotat (1914-1971), artiste originaire de Vienne vivant à Lyon, est désigné. Ce peintre et céramiste qui travaille avec Félix Massador, a déjà réalisé des décorations murales en céramique sur lave pour des façades de villas ou d’immeubles. L’œuvre, constituée de 258 dalles de lave de sept couleurs différentes, souvent qualifiée de « Rose des vents », est posée entre le 7 septembre et le 15 octobre 1965.

Le baptême et l’inauguration

Le nouveau lycée doit aussi avoir un nom. Le conseil municipal avait primitivement décidé de lui donner celui de Jean Moulin tandis le groupe scolaire en construction chemin des Buers, devait porter celui de Pierre Brossolette. Mais le nom de Jean Moulin est déjà attribué à un lycée de Lyon en 1964. Pour éviter toute confusion, on inverse les noms des deux établissements scolaires villeurbannais.

  Le 17 avril 1966 a lieu «  la triomphale inauguration ». [9] Étienne Gagnaire est entouré des membres du conseil municipal et de nombreuses personnalités de l’Éducation nationale, de la Préfecture et des communes avoisinantes. On relève notamment la présence du Docteur Dugoujon, alors maire de Caluire : Jean Moulin fut arrêté dans sa maison, mise à disposition de la Résistance. Au terme de la  visite des bâtiments et des discours, l’établissement prend officiellement le nom de Pierre Brossolette. Selon le Bulletin municipal, « le conseil, a voulu honorer la mémoire de deux hommes admirables, deux grands résistants, deux grands patriotes. »[10]

 Le fonctionnement des premières années

   Le nombre d’élèves augmente très rapidement dans les années qui suivent. Une étude  prévoit que les effectifs du lycée pourraient atteindre 1770 élèves en 1971 ! Cette année-là, la totalité des élèves du premier cycle doivent en effet quitter le lycée, pour être répartis dans les collèges d’enseignement secondaire voisins.

    La Ville doit aussi assurer son fonctionnement. Les personnels de service sont de son ressort. Le traité constitutif signé le 8 novembre 1965, précise : « La Ville s’engage à entretenir les bâtiments scolaires, à assurer la fourniture et l’entretien du matériel d’enseignement et du mobilier scolaire, l’éclairage et le chauffage des locaux. » S’y ajoute aussi le restaurant scolaire. Construction et fonctionnement du lycée ont donc un coût très élevé. Dès le 18 septembre 1967, Étienne Gagnaire propose la nationalisation de l’établissement qui n’est réalisée qu’en octobre 1973.

    Si, dès le 11 décembre 1961, le conseil municipal valide le projet de construction d’un lycée supplémentaire, c’est en fait celle de deux collèges qui suit l’ouverture du lycée Pierre-Brossolette : celui des Iris édifié avec maîtrise d’œuvre de l’Etat, 287 rue de Pressensé et mis en service à la rentrée 1967, et plus tard, en 1984, le collège du Tonkin, 2 allée du Lys-orangé, pour répondre aux besoins scolaires du nouveau quartier du Tonkin.



Notes

[1] Pic de natalité à la fin de la 2ème guerre mondiale

[2] Cros (Louis), L’explosion scolaire, CUIP, Paris, 1961, 180 p.

[3] Prost (Antoine), Histoire de l’enseignement en France, 1979, p. 433-440.

[5] « Inaugurations du groupe scolaire Jean-Moulin et du lycée municipal Pierre-Brossolette », Bulletin municipal officiel  de Villeurbanne, n°361, mars-avril 1966, p.677-680.

[7] Délibérations du conseil municipal du 8 mars 1960, 21 décembre 1962, 21 septembre 1964, 14 juin 1965, 18 septembre 1967, 23 septembre 1968, 20 octobre 1969.

[8] 1% des sommes consacrées par l’Etat aux constructions scolaires doit en effet être affecté au financement de la réalisation d’une œuvre d’art (arrêté du ministre de l’Education Nationale du 18 mai 1951).

[9] Titre du Progrès du 18 avril 1966.

[10] « Inaugurations du groupe scolaire Jean-Moulin et du lycée municipal Pierre-Brossolette », Bulletin municipal officiel  de Villeurbanne, n°361, mars-avril 1966, p. 677-680.


Bibliographie

Bonneville (Marc), Naissance et métamorphose d'une banlieue ouvrière : Villeurbanne : processus et formes d'urbanisation, Presses Universitaires de Lyon, 1978 (AMV : 2C1)

 Cros (Louis), L’explosion scolaire, CUIP, Paris, 1961, 180 p.

 Meuret (Bernard), Le socialisme municipal : Villeurbanne (1880 – 1982), Lyon, PUL, 1982, 301 p. (cote AMV 2C3).

 Prost (Antoine), Histoire de l’enseignement en France, Paris, Armand Colin, 1979.


Sources

Archives municipales de Villeurbanne

1M66 : Lycée Pierre Brossolette : 46 plans de construction (architectes : Degaine et Salagnac) (1963). Travaux de construction du lycée (1961-1968).

1M67 : pièces relatives aux architectes (1961-1963) ; dossier d'exécution des travaux par lots (1963-1964) : bordereaux de prix, cahiers des charges, devis ; marché de travaux (1963-1964) ; pièces relatives aux dépenses et aux recettes (1964-1968).

1M144 : immeubles 116-126 rue de Pressensé et 157-159 cours Emile Zola (1958-1962) : éviction des établissements Barbier et Barbezat (1960-1961) pour construction d'un lycée

2D144 : correspondance du maire relative à l'enseignement secondaire, Lycée Brossolette (1965 – 1977).

4R9 : lycée Brossolette : coupures de presse et procès-verbal des réunions du conseil d'administration (1969-1975).

4R24 : inauguration du groupe scolaire Jean Moulin et du Lycée Pierre Brossolette : documents de communication (17 avril 1966).

275W34 : 22 mars 1996, célébration du 30ème anniversaire du lycée Pierre Brossolette.

14Z42 : coupures de presse classées par thème : lycée Brossolette (1975-2000).

1D30 à 39 : registres de délibération des conseils municipaux des années 1957 à 1967.

6C : Bulletin municipal officiel de la ville de Villeurbanne, « Inaugurations du groupe scolaire Jean-Moulin et du lycée municipal Pierre-Brossolette », n°361, mars-avril 1966, p. 677-680.


1 commentaire

  • Rico69, 7 juin 2022 à 12h05Répondre
    Bonjour
    je ne trouve pas la date de démolition du lycée Brossolette que j'ai fréquenté au début des années 80
    Merci d'avance

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