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Consultation

Église et paroisse de la Cité catholique de la Sainte-Famille

L’église et plus largement ce que l’on a appelé la cité catholique de la Sainte-Famille sont représentatifs d’une paroisse de mission dans un quartier ouvrier à majorité italienne, dans les années d’entre-deux guerres. L’intérêt architectural du bâtiment de 1927 de style art-déco est reconnu depuis sa restauration dans les années 1990.

L'église restaurée en 1996
Le bâtiment primitif de la Sainte-Famille avant 1926 (2Fi561, AMV)
Les enfants du patronage de la paroisse de la Sainte-Famille (2Fi126 AMV)
Portrait de l'abbé Borde
La nef restaurée en 1996.

Auteur(s) : Dominique Grard, archiviste de la ville de Villeurbanne

La paroisse de la Sainte-Famille

Au cœur du quartier de Croix-Luizet, l'édification de l'église de la Sainte-Famille, dite « des Italiens », située 9 rue Longchamp, répond d'abord à la demande de Mgr Maurin, cardinal archevêque de Lyon, de fonder une mission catholique auprès des ouvriers italiens nombreux dans la banlieue. Ceux de Villeurbanne sont attirés par l'usine Villard de filature de schappe (bourre de soie) installée dans le quartier en 1890, qui, en 1931, sur un personnel total de 600 ouvriers, emploie 302 Italiens. Des Italiens travaillent également dans les fabriques qui ouvrent le long de la route de Vaulx (aujourd’hui Roger-Salengro) : citons Pervilhac, Émaillerie du Rhône, ou encore Teinturerie de la Doua.

Un curé dynamique, l’abbé Borde, arrivé en 1920, utilise d'abord une baraque de cantonnement militaire (dite baraque Adrian) pour installer la première chapelle, devenue rapidement trop étroite pour la nombreuse communauté italienne. Pour preuve, en 1926, le quartier compte 5 000 habitants et, dix années plus tard, 14 000 dont 2500 sont italiens et 50% fréquentent les offices.

Une société civile immobilière constituée, entre autres, des familles des orfèvres Beaumont, Pin et de l'industriel Pierre Boissier, permet, sur une dizaine d'années jusqu'en 1931, d'élever la Cité catholique de la Sainte-Famille, autour de la construction en dur de la première chapelle, du presbytère, de deux écoles (l'une pour les garçons, l'autre pour les filles - écoles fermées vers 1965), d'une salle de réunion et de terrains de sport. La chapelle intermédiaire devient salle de spectacles : des animateurs du catholicisme social appartenant à la Chronique sociale de Lyon viennent y donner des conférences pour la formation des militants. Une section Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.) y est créée dès 1929. Des patronages organisant des colonies de vacances fonctionnent toute l’année et perdurent jusqu’en 1968.

 L’église art-déco

Édifiée sur un vaste terrain donné par les Beaumont, l’église définitive dont la construction est décidée en 1926, est consacrée par l'évêque de Grenoble le 23 octobre 1927 (les paroisses de Villeurbanne ne sont rattachées au diocèse de Lyon qu’en 1954).

La nouvelle construction de style art déco, conçue par un élève de Tony Garnier, l’architecte Gabriel Mortamet, s'inspire des principes d'un architecte moine bénédictin de la congrégation de Solesmes, Dom Bellot.

Première église à ossature béton dans l'agglomération lyonnaise, son originalité réside en grande partie dans ses volumes et sa voûte en briques, qui repose sur des arcs et des poutrelles de béton armé. Son clocher tronqué ne sera jamais achevé, faute de subsides. Elle possède une rosace art déco et des vitraux dessinés par Georges Décôte, des fresques peintes par Maysson et la statue de saint Roch de Georges Salendre.

Fermé en 1973, le lieu de culte reprend de l'activité dès 1995, grâce à l'opiniâtreté de riverains regroupés dans une Société immobilière de la Cité de la Sainte-Famille. L'intérieur, restauré, est remis en conformité et sa cloche de 800 kg, faite du cuivre recueilli jadis dans les greniers des habitants du quartier, retrouve sa place dans le clocher.

Une Biennale d’art sacré est installée dans l’église à partir de mai 1996, avant d’être transférée dans un site lyonnais, à la fin des années 2000.

 « L’église des Italiens »

Outre son intérêt architectural, cette église est un lieu de la construction de la mémoire des Italiens à Villeurbanne.

Les Italiens ont probablement fait partie des souscripteurs, mais le financement de sa construction est davantage lié à des bienfaiteurs ou des paroissiens français, notamment l’association des « Amis de la Banlieue », dont la vocation était tournée vers les quartiers ouvriers.

Dans les années 1930, la communauté catholique italienne est très active : fêtes, bénédictions des automobiles, processions du 16 août à la Saint-Roch (San Rocco). L’une des chapelles consacrée à ce saint sert en effet de point de ralliement à tous les Italiens venus travailler dans l’agglomération lyonnaise. Il faut ici mentionner la désaffection de la part des paroissiens italiens pour l’effigie du saint commandée au sculpteur contemporain Georges Salendre : ils vont faire venir d’Italie une statue en plâtre d’inspiration saint-sulpicienne, plus conforme à leurs traditions.

La Mission italienne de Lyon, proche du Consulat et donc du gouvernement fasciste, s’intéresse de près à l’animation de cette paroisse, fréquentée par les immigrés italiens, sympathisants potentiels du régime de Mussolini. Le Consulat d’Italie tente alors de diffuser sa propagande et compte en retour sur l’influence de l’Église, soucieuse de lutter contre le communisme athée de la « banlieue rouge ». Les positions de l’Église sont  loin cependant de faire l’unanimité, car on trouve toutes les nuances politiques chez les immigrés italiens. La mairie, selon ses tendances, socialistes ou communistes, laisse faire ou prend position au travers d’interdictions de procession ou d’autorisation de prêts de salle.

 L’affaire du « terrain de la Sainte-Famille »

Quelques décennies plus tard, au milieu des années 1970, les luttes des riverains contre l'emprise des promoteurs immobiliers sur le terrain dit « de la Sainte Famille » sont un autre témoignage de la vitalité du quartier. C’est en effet la vente d’un terrain de 16 000 m² environ, par la Société civile immobilière de la Sainte Famille et l’appui de la municipalité d’Etienne Gagnaire au promoteur qui déclenche une mobilisation des riverains en 1973, plus tard amplifiée par une mouvance de la gauche locale. Rejoignant le parti Socialiste, elle participe au succès électoral de la nouvelle municipalité de Charles Hernu en mars 1977.

 

 


Bibliographie

Jouve (Raymond), La conquête d'une banlieue, Croix-Luizet, Paris, Librairie Bloud et Gay, 1931 (cote AMV 2C293)

Jacquemin (Louis), Histoire des églises de Lyon, Villeurbanne ..., éd Elie Bellier, 1985, p. 326-329 (cote AMV 2C2358)

Laurini (Robert), Les vitraux de l'église de la Sainte Famille, brochure Journées du Patrimoine, 2002 (cote AMV 2C503)

Meuret (Bernard), Croix-Luizet, quartier de Villeurbanne, CNRS, 1980 (cote AMV 2C291)

Ochandiano (Jean-Luc de), Lyon à l'italienne : deux siècles de présence italienne dans l'agglomération lyonnaise, Lyon, éd. Lieux-dits, 2013 (cote AMV 2C2367)

Videlier (Philippe), « L'église des italiens : une paroisse de la banlieue de Lyon », Diasporas, n°12 (2008), p. 130-144 (cote AMV 3C339)

 

 


Sources

Archives municipales de Villeurbanne

5J185

Bureau d’hygiène de Villeurbanne, contrôle sanitaire des habitations : plans de l’architecte G. Mortamet : maison d’œuvres de la paroisse, salle de réunion et chapelle provisoire (1920), école des filles (1927), église (1926), presbytère (1931), cité paroissiale (1931).

 3C112 Le Nouvelliste, 24 octobre 1927, 29 janvier 1930, 20 mars 1930, 19 août 1933

 3R61 Affaire du Terrain de la Sainte-Famille : courriers (1973-1975), dossier de coupures de presse (1973-1975).

 AD1221 « La foi qui triomphe ! À la Sainte - Famille de Croix –Luizet, dimanche 25 avril : les Jocistes de Croix – Luizet joueront ce drame en 3 actes de Raymond Milleron », Nouvelliste (Le), 22 avril 1937

 Bénédiction des autos pour la Saint-Christophe : articles tirés de :

 La Vie Lyonnaise du 21 avril 1934, 17 avril 1937, 28 mai 1938, 6 mai 1950,

 Notre Carnet du 10 mai 1936,

 Le Nouvelliste du 10 et 12 avril 1937

 2D138 Correspondance du maire E. Gagnaire avec l'Association Immobilière "Cité de la sainte Famille" (1974 - 1975).

 14Z119 Don Société d’Histoire de Villeurbanne. Croix-Luizet : coupures de presse (1955-1961, 1972-2000) ; documents : programmes de spectacles donnés par la section Jeunesse Ouvrière Chrétienne (J.O.C.) (1932-1950), périodique Espoir de la Cité édité par les sections communistes de Villeurbanne (mai 1973), article photocopié "Panorama d'un quartier : Les Buers et Croix Luizet par Anne-Marie Bellon", extrait de Chronique Sociale de France, n°1, (sd), revue de presse extraite de Le Nouvelliste sur la paroisse de la Sainte Famille de 1926 à 1944, photocopies d'un manuscrit de Raymond Milleron "Souvenirs du quartier de Croix-Luizet, année 1975" et "Cité de la Sainte-Famille de Croix-Luizet".

 302W74 Bureau de l’adjoint au maire R. Terracher, travaux à l’église de la Sainte Famille : correspondance, factures,  notes et plans (1997-1999).

1AV21/5  Témoignage enregistré de Mireille Payrat relatant sa participation aux manifestations pour la Sainte Famille, le C.C.O., le centre social Croix Luizet …

 


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