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Le syndicat du personnel communal de Villeurbanne entre 1909 et 1939

Créé en 1909, le syndicat général des travailleurs et employés municipaux du canton de Villeurbanne reflète pendant l’entre-deux-guerres les relations particulières instaurées entre les différentes municipalités de gauche et le personnel communal.

bannière du syndicat CGT du personnel municipal avant la 2e guerre mondiale
premier règlement du personnel communal de Villeurbanne au conseil municipal du 23 juin 1903 (affiche 8Fi19)

Auteur(s) : François Ménétrier, syndicaliste

­Des premiers pas de la syndicalisation de 1909,  à la réunification de 1936, en passant par la scission de 1922.

A Villeurbanne les relations entre les employés communaux et l’employeur, c’est-à-dire le maire de la commune, sont formalisées et inscrites pour la première fois dans un Règlement général du personnel des services municipaux adopté à l’unanimité du conseil municipal du 23 juin 1903. En treize articles, il décline l’essentiel des droits et obligations des personnels de la commune : les conditions d’embauche, de rémunérations, de discipline, etc. Mais aucune disposition ne fait alors mention du droit de se syndiquer ni, a fortiori, d’un droit de grève.

Fin 1909, les agents communaux de Villeurbanne vont se syndiquer sous l’impulsion du Maire SFIO, Jules Grandclément[1] : «J’ai personnellement décidé les employés à se syndiquer. En 1908 cela a été mon premier acte réfléchi »[2]. Le 8 décembre 1909 est effectivement créé le « Syndicat général des travailleurs et employés municipaux du canton de Villeurbanne » avec 74 membres déclarés[3], syndicat affilié notamment à la CGT.

Le premier bureau est constitué de quatre membres : président Victor Depralon, inspecteur des viandes - vice-président Antoine Janin, employé de Mairie - secrétaire-archiviste Antoine Gros, employé de Mairie - trésorier Joseph Chedal, inspecteur des viandes.

La principale activité syndicale consiste en l’élaboration de revendications qui sont adressées au maire. Elles sont aussi communiquées à la presse locale ainsi qu’aux journaux syndicaux, comme par exemple L’Echo des travailleurs municipaux, organe mensuel de l’Union des syndicats municipaux de Lyon, mais aussi de Saint-Etienne, Grenoble et Villeurbanne. Le Maire fait état régulièrement de ces revendications dans des rapports aux conseils municipaux avec des propositions d’arbitrages respectant de subtils équilibres entre revendications locales et nationales.

Coup de tonnerre en 1922, le souffle de la division de la SFIO puis de la CGT au plan national se fait sentir à Villeurbanne. La scission syndicale se concrétise par la création d’un nouveau syndicat le 3 février 1922 : le Syndicat unitaire du personnel municipal. Les membres du bureau sont : Clovis Bancel, cantonnier, secrétaire général - Henri Bonneterre, archiviste, Jean-Baptiste Chaine, expéditionnaire, trésorier - Thomas Chirol, trésorier adjoint - Jean Viollet, secrétaire général adjoint.

Le maire Jules Grandclément, qui a adhéré au Parti communiste, prend position pour la reconnaissance du seul syndicat unitaire, ce qui provoque une crise au sein de la municipalité et l’organisation de nouvelles élections générales en novembre 1924, remportées par le docteur Lazare Goujon, demeuré à la SFIO.

Jusqu'à la réunification nationale de mars 1936, il y aura donc deux syndicats du personnel en Mairie de Villeurbanne avec un nombre d’adhérents toujours majoritairement à la CGT. Ainsi en février 1922, le syndicat unitaire CGT-U compte 52 adhérents tandis que le syndicat général CGT du personnel regroupe environ 140 adhérents. Dix ans plus tard, en 1932, le syndicat unitaire déclare 26 adhérents et le syndicat général près de 400. Début 1936, après la réunification, le syndicat CGT du personnel municipal annonce 590 adhésions[4], un seuil historique qui ne sera, semble-t-il, jamais dépassé.

Les relations municipalité/syndicat

Les rapports entre la municipalité et le(s) syndicat(s), évoluent plus ou moins favorablement suivant les périodes, les événements nationaux et internationaux, les politiques gouvernementales, la situation économique. Dès sa création, le syndicat général affirme que les revendications du personnel s’inscrivent dans le cadre d’une municipalité villeurbannaise qu’il s’agit de bien distinguer d’une « municipalité bourgeoise » ou d’une entreprise privée[5].

Point de vue similaire exprimé en juin 1936 par le premier adjoint de Camille Joly, Edmond Chambon, qui recadre ces relations maire/employés/syndicat en rappelant « que l’administration municipale n’est pas un patron qui réalise des bénéfices et qu’elle ne peut pas être traitée comme tel »[6].

De fait, depuis le début du 20e siècle, les différentes municipalités villeurbannaises soutiennent sous diverses formes les mouvements sociaux : subventions aux syndicats pour envoyer des délégués dans les Congrès, aides financières ou en nature aux familles de grévistes par le biais des bureaux de bienfaisance, etc. Les maires sont aussi sollicités et acceptent régulièrement la présidence d’honneur des fêtes organisées par le syndicat du personnel.

Autre forme de soutien direct, outre l’octroi de subventions, la mise à disposition du Palais du travail inauguré en 1933, permet aux organisations syndicales, politiques, mutualistes, coopératives, d’y tenir des congrès départementaux et nationaux.

Cette relation particulière se manifeste aussi par la mise en œuvre de pratiques municipales, politiques et syndicales, dont l’intérêt, selon Lazare Goujon en décembre 1924[7] est de favoriser « une collaboration étroite entre le personnel et la municipalité », collaboration qui, progressivement, va renforcer le rôle du syndicat et celui des délégués du personnel. Cela se concrétise notamment par l’actualisation régulière du règlement général des personnels. En 1926, le règlement se décline en trente-trois articles et reconnaît officiellement les « organisations syndicales régulièrement constituées par le personnel, les délégués permanents des syndicats [étant] mis en congé sans solde pour toute la durée de leur fonction syndicale »[8].

Son rôle s’accroît aussi par la mise en place progressive, dès 1911, de différents organismes internes où sont représentés des membres du syndicat et/ou des délégués du personnel. Citons pour mémoire des jurys pour les recrutements sur concours ou examens, avec désignation par le syndicat de membres appelés à siéger et l’institution d’une commission paritaire du personnel municipal, en décembre 1924.

Les colonnes du Bulletin municipal officiel de la Ville de Villeurbanne se font régulièrement l’écho de la vie des services, des mouvements du personnel, des activités syndicales (revendications, fêtes annuelles), etc.

Actions syndicales

Entre 1909 et 1939, l’adhésion massive des personnels à leurs organisations syndicales est le reflet de leur implication dans les politiques municipales mais aussi en dehors du terrain exclusivement professionnel et villeurbannais. Implication, d’abord et naturellement, dans les structures syndicales départementales, fédérales et nationales, ensuite dans des actions de solidarité locale ou nationale –voire internationale.

Jusqu’à l’éviction de la municipalité communiste et l’installation d’une délégation spéciale nommée par le préfet en octobre 1939, le syndicat général du personnel municipal sera très présent sur le front social par de multiples actions de solidarité avec la population ouvrière villeurbannaise. Citons, par exemple, en 1927, la participation du syndicat à la souscription pour la construction du Palais du travail de Villeurbanne[9], ou à celle en faveur des victimes de l’inondation de 1928[10].

Pendant la crise du chômage, « les employés et ouvriers municipaux adhérents au syndicat général décident de verser une contribution de 1% sur leur salaire », sous réserve qu’elle soit attribuée « à la destination de repas par les cantines scolaires aux enfants des chômeurs fréquentant les écoles »[11]. Dans le bilan annuel de l’action syndicale en 1932, Roger Dumont évoque l’effort important de l’organisation envers les enfants d’ouvriers victimes du chômage, par la création d’un fonds de solidarité, « effort qui est allé jusqu’à l’exclusion des adhérents qui ne se sont pas soumis aux décisions prises à l’égard des enfants de chômeurs »[12].

La solidarité s’exerce aussi à l’international, avec l’adhésion en août 1934 du syndicat unitaire des municipaux au Comité de lutte antifasciste (Lyon Républicain 14 août 1934 et 19 janvier 1935)[13], ou l’organisation d’une journée au profit des orphelins espagnols, le 11 octobre 1936[14].

Des premiers pas du Syndicat du personnel municipal de Villeurbanne affilié à la CGT à ce jour, plus d’un siècle s’est écoulé, avec une présence syndicale ininterrompue en mairie de Villeurbanne, y compris pendant les deux guerres mondiales : l’histoire de ce centenaire reste à compléter.




Notes

[1] Maire de Villeurbanne entre le 17 mai 1908 et le 7 mai 1922 

[2] Communication au Conseil municipal du 11 mars 1922.

[3] A Villeurbanne même, chef-lieu de ce canton, on compte, à la veille de la première guerre mondiale, 85 agents, dont 46 ouvriers : voituriers, cantonniers ou à l’Atelier municipal.

[4] A mettre en rapport avec les effectifs du personnel : en 1939, 382 titulaires et 273 auxiliaires

[5] Déclaration de Victor Depralon, secrétaire du syndicat, publiée dans Le travailleur municipal, mai-juin 1913.

[6] Commission paritaire du 16 juin 1936 (cote AMV 2 K 640)

[7] Délibération du conseil municipal de Villeurbanne du 12 décembre 1924 (cote AMV 1D277)

[8] Articles 14,17 et 18 du règlement général reproduit dans Bulletin municipal officiel Ville de Villeurbanne, août 1926 p. 72-74.

[9] Bulletin municipal officiel Ville de Villeurbanne, décembre 1927 (p. 382), janvier 1928 (p. 409), février 1928 (p. 435), avril 1928 (p. 505), mai 1928 (p. 555)

[10] Bulletin municipal officiel Ville de Villeurbanne, mars 1928 (p. 463)

[11] Bulletin municipal officiel Ville de Villeurbanne, mars 1927 (p. 196)

[12] Document de la préfecture concernant le bilan d’activité de 1932 du syndicat. (Archives départementales du Rhône 10M280)

[13] Archives municipales de Villeurbanne, cote 4 C 600.

[14] Lyon Républicain, 7 octobre 1936 (Archives municipales de Villeurbanne, cote 4 C 602).


Bibliographie

Le travailleur municipal, mai-juin 1913

Lyon Républicain, 14 août 1934 et 19 janvier 1935


Sources

Archives municipales de Villeurbanne

1D277 Registre des délibérations du conseil municipal (novembre 1928-janvier 1934)

4C600 revue de presse : coupures de presse collées en registres : volume n°1 (19 novembre 1933-30 septembre 1934), volume n°2 (1er octobre 1934-30 juin 1935).

4C602 revue de presse : coupures de presse collées en registres : volume n° 5 (1er octobre 1936-31 mai 1937)

2K640 Commission paritaire communale : registres des procès-verbaux de réunion (1925-1938)

6C Bulletin municipal officiel de la ville de Villeurbanne, 1927, 1928

Archives Départementales du Rhône

10M280 Travailleurs et employés municipaux du canton de Villeurbanne (1909-1986)


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