Accueil > Consultation > Encyclopédie > Parc des Droits-de-l'Homme
Le parc des Droits-de-l’Homme est situé à l’angle des rues du 4-août-1789 et du 1er-mars-1943, dans le quartier de la Perralière. Inauguré en 1981, il est aménagé sur une partie de l’ancien terrain de la SALT’s devenue J.-B. Martin, société spécialisée dans la fabrication du velours et de la peluche. L’aménagement d’une partie du site en espace vert public s’inscrit dans la nouvelle politique menée par la municipalité de Charles Hernu à partir de 1977. L’ancienne maison patronale a été conservée et abrite aujourd’hui le pôle gérontologique de la Maison des Aînés.
Entre 1889 et 1924, les usines textiles Gillet[1] et la Société Anonyme Lyonnaise Textile (SALT'S) spécialisée dans le velours et la peluche, puis J.-B. Martin[2], s’implantent dans l’ancien quartier industriel et ouvrier de Bonneterre, à proximité de la mairie de l’époque[3]. À partir des années 1960, les entreprises cessent ou transfèrent leurs activités, entraînant la désindustrialisation progressive de la Ville. Entre 1974 et 1976, le groupe J.-B. Martin ferme son usine de Villeurbanne et vend son terrain à la société immobilière SFAB[4]. Le site de 5 ha comprend les bâtiments d’usine et une ancienne maison bourgeoise érigée au milieu d’un parc. La SFAB dépose un permis de construire pour l’édification de 1200 logements de haut standing et des bureaux, que la municipalité d’Étienne Gagnaire lui accorde le 29 mars 1976[5].
Les Villeurbannais s’inquiètent alors de voir les espaces libres de la Ville livrés aux promoteurs immobiliers. Le projet qui comprend, dans sa partie sud-est, un espace vert de 1,9 ha, suscite rapidement des contestations. En mars 1977, les habitants du quartier, soutenus par des écologistes, mettent sur pied un « Comité de défense du terrain J.-B. Martin » dont l’objectif est de préserver l’espace vert existant, ses arbres quinquagénaires et ses bosquets aux espèces variées. Il entreprend une lutte contre le projet immobilier de la SFAB et réclame la cession des 5 ha à la Ville, pour y aménager un parc public. Il poursuit pendant plus d’un an une « petite guerre avec la municipalité », selon les termes du Progrès (29 septembre 1977), interrompant les conseils municipaux, organisant réunions publiques, sitting, bal champêtre sur le terrain des anciennes usines.
Le 25 mars 1977, la municipalité de Charles Hernu est élue. Dans son manifeste électoral, elle affirme sa volonté de conserver, d’améliorer et de développer le patrimoine végétal de la commune. La SFAB vient d’ouvrir le chantier, alors que la proximité du centre-ville et la présence de beaux arbres quinquagénaires attirent l’attention de la municipalité qui remet rapidement en cause le programme de construction.
Elle projette de revenir sur la décision de l’ancienne municipalité et, parallèlement, souhaite maîtriser le programme des logements projetés par la SFAB, en l’orientant vers la construction des logements sociaux qui manquent à la Ville. Elle engage une longue série de négociations avec la société pour le rachat du terrain. Mais ses disponibilités financières ne lui permettant pas d’acquérir l’ensemble du tènement[6], elle se limite à l’acquisition de la partie végétale de 1,9 ha.
Au début de l’année 1978, l’École Nationale des Déficients Visuels, rue Valentin-Haüy, dont les locaux sont devenus exigus et vétustes, prévoit la construction d’un nouvel établissement. Le transfert de l’école est d’abord envisagé à Meyzieu, sur un terrain appartenant à la Communauté urbaine de Lyon. L’Association des Anciens Élèves de l’École de Déficients Visuels conteste ce projet, qui éloignerait l’école du centre-ville et propose son transfert sur l’ancien terrain J.-B. Martin. Dès mars 1978[7], la municipalité retient cette proposition qui permettrait à la Ville d’édifier, sur ce même lieu, logements sociaux, équipements publics et parc de verdure.
Dans ce nouveau contexte, afin de stopper l’opération de construction et le permis de construire, la Ville décide, lors de sa séance du 12 juin 1978[8], d’acquérir par voie d’expropriation la totalité du tènement J.-B. Martin. Elle entame une procédure d’utilité publique et, parvenant à un accord amiable avec la SFAB, elle acquiert l’ensemble du terrain par acte du 5 avril 1979[9], grâce à la collaboration des collectivités locales et régionales.
Le 18 juin 1979[10], le conseil municipal décide de céder à l’État la partie du terrain devant recevoir la construction de l’École Nationale de Perfectionnement pour Déficients Visuels.
L’aménagement du site est divisé en trois parties : 1,8 ha dédié à la création d’un espace vert, 2,2 ha mis à disposition de la nouvelle École Nationale de Déficients Visuels et 0,9 ha pour la construction de 188 logements sociaux.
La politique des espaces verts menée par la Ville répond à deux objectifs : la progression des surfaces végétales et le changement radical de conception de ces espaces, désormais lieux de liberté et de convivialité accessibles à tous. Elle a également pour objectif de contribuer au développement de la vie associative[11].
Les plans d’aménagement du parc sont dressés par les Services Techniques de la Ville le 12 juin 1978[12]. D’importants travaux d’aménagement sont entrepris dès 1979. Les arbres quinquagénaires existants sont conservés et des plantations nouvelles sont réalisées dans la partie sud du parc. Les espaces engazonnés, souvent lieux d’interdits, sont laissés volontairement libres d’accès. Un cheminement périphérique, permettant le footing et la promenade, ceinture l’ensemble du parc.
Trois sous-espaces qui ciblent les enfants, les jeunes et les personnes âgées sont réalisés. Une aire est dédiée aux personnes qui recherchent le calme sous les frondaisons des arbres ou qui souhaitent se promener dans les allées tranquilles. Pour les enfants et les adolescents, des espaces de jeux distincts sont distribués selon les âges. Un bac à sable pour les tout-petits, des balançoires, un tourniquet et un jeu de grimpe pour les enfants, un espace de jeux pour les adolescents et un terrain de pétanque pour les adultes. Enfin, la municipalité décide de construire un kiosque à musique moderne au sein du parc, afin de créer un lieu de rencontre et d’animation.
Le 7 mai 1979[13], le conseil municipal décide d’attribuer le nom d’Espace des Droits de l’Homme au nouveau parc. Lors de l’inauguration le 21 juin 1981[14], le maire Charles Hernu rappelle, pour justifier la dénomination, « les sources de notre démocratie issue de la Révolution française, et la volonté aujourd’hui d’en prolonger le contenu politique et social »[15].
Dans la partie nord du parc, une maison bourgeoise construite autour de 1880 a été conservée. Cette ancienne propriété qu'a acquise la SALT’s en s'y installant en 1918, témoigne du passé industriel de ce site dans une période où les villas patronales jouxtaient les usines et les logements ouvriers. En décembre 1982, en souvenir du prix Nobel de la paix de 1968, la municipalité décide de lui attribuer le nom de René Cassin[16]. Rénovée à partir de 1983, elle devient le siège et le lieu de réunion de plusieurs associations[17]. Depuis 2007, elle est devenue un pôle gérontologique baptisé Maison des Aînés.
La municipalité de Charles Hernu manifeste un effort soutenu en faveur de la création contemporaine, par l’acquisition et l’implantation régulière d’œuvres monumentales dans différents lieux publics de la Ville, notamment au sein des espaces verts. En 1982, Villeurbanne participe, pour la troisième fois, à la Biennale Internationale des Arts de la rue. Du 8 octobre au 11 novembre 1982[18], cinq sculpteurs originaires de la région lyonnaise exposent leurs créations dans le parc des Droits de l’Homme. En 1982, la municipalité décide d’acquérir les sculptures de Christiane Guillaubey[19] et de René Roche[20] afin qu’elles décorent le parc de manière pérenne[21]. Intitulée Le Mont de Vénus, l’œuvre de Christiane Guillaubey, de près de 3 tonnes, est réalisée en marbre gris et s’élève sur 1, 4 m de haut. La sculpture monumentale conçue par René Roche en acier polychromé, de 5 m de haut, s’intitule Progression. Depuis, une troisième œuvre orne les pelouses du parc. C’est une sculpture métallique monumentale, brute d’ornement, réalisée par Anthony Caro[22].
Le parc des Droits de l’Homme présente aujourd’hui des arbres devenus séculaires, des arbustes et des fleurs. Les sous-espaces ont été conservés et les jeux pour enfants modernisés.
Dans le cadre de manifestations politiques, de nouvelles plantations ont eu lieu au sein du parc. À l’occasion de leur congrès national à Villeurbanne, les militants de la Fédération des travailleurs de l’information, du livre, de l’audiovisuel et de la culture CFDT, en compagnie de Charles Hernu, ont planté le 19 novembre 1987, un cèdre symbole de liberté, pour rendre hommage à tous les otages du Liban.
En 2003, un araucaria, arbre sacré des Chiliens, a été planté par la Ville et l’Association France Amérique latine en mémoire du président chilien, Salvador Allende (1908-1973).
[1] Elle fut la plus importante usine de Villeurbanne jusqu’en 1966, année de sa fermeture. Un ensemble résidentiel réalisé par l’architecte Jean Dubuisson est édifié à l’emplacement de l’usine depuis 1974.
[2] Le groupe J.-B. Martin est créé en 1839 à Tarare. Premier exportateur de velours en France, l’entreprise est spécialisée dans le tissage du velours et la teinture industrielle.
[3] Sur des terrains au nord de ce qui est aujourd’hui la place Grandclément, (à cette époque, place de la Mairie).
[4] Société Foncière d’Aménagement de Bonneterre.
[5] 260W7 : Aménagement du terrain J.-B. Martin, 115-135 rue du 4 août 1789 (1977-1981).
[6] 1D305 : Communication au conseil municipal sur l’opération immobilière du terrain J.- B. Martin : délibération du conseil municipal de Villeurbanne, séance du 4 avril 1977, p. 91-94.
[7] 174W58 : Terrain J.- B. Martin (1977-1979).
[8] 1D306 : Acquisition par expropriation des terrains situés 115-135 rue du 4 août (ex secteur J.-B. Martin) nécessaires à la réalisation d’espace vert, d’équipement public et de logement sociaux : délibération du 12 juin 1978, p. 264-265.
[9] 1D307 : Acquisition du terrain ex J.- B. Martin : délibération du 7 mai 1979, p. 177.
[10] 1D307 : Cession à l’État du terrain J.- B Martin : délibération du 18 juin 1979, p. 184.
[11] 1D305 : Terrain J.-B. Martin : achat d’une partie du terrain. Demande de subventions. Approbation d’une convention d’études pour la réalisation d’un espace vert municipal : délibération du 17 octobre 1977, p. 308.
[12] 260W7 : service communication : aménagement du terrain J.-B. Martin, 115-135 rue du 4 août 1789 (1977-1981).
[13] 1D307 : Dénomination de voies publiques et de bâtiments : délibération du 7 mai 1979, p. 134.
[14] 260W11 : Discours d’inauguration de l’Espace des Droits de l’Homme (21 juin 1981).
[15] « Parc des Droits de l’Homme : un « espace » très musical… », Le Progrès, 22 juin 1981.
[16] René Cassin (1887-1976) ancien juriste et homme politique français, il fut président de la Cour européenne des Droits de l’Homme et Prix Nobel de la Paix en 1968. Il participa à la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
[17] L’OVPAR (Office villeurbannais des personnes âgées et retraités), le club des retraités « La joie de vivre », le club audiovisuel de Villeurbanne (CLAVI).
[18] 231W17 : Expositions dans des lieux divers : parc des Droits de l’Homme « 5 sculpteurs à Villeurbanne » (octobre 1982). Les cinq œuvres contemporaines sont : 1992 briques d’Etienne Bossut, Sculpture au vent d’Alain Lovato, Préfiguration d’un manège de Geneviève Dumont, Progression de René Roche et Le Mont de Vénus de Christiane Guillaubey.
[19] Christiane Guillaubey est une artiste lyonnaise née en 1946. Après ses études à l’école des Beaux-Arts de Lyon en 1970, elle s’oriente vers la sculpture et se spécialise dans le travail du marbre italien et du bronze.
[20] René Roche est un peintre sculpteur né le 30 juin 1932 à Vienne (Isère). Issu d’un milieu ouvrier, il est passé par l’apprentissage de différents métiers manuels qui lui ont été utiles pour produire ses œuvres de grandes dimensions. Son style est l’abstraction géométrique.
[21] 231W26 : Acquisition d’œuvres d’art : sculpture monumentale de René Roche installée au Parc des Droits de l’Homme pour la 3ème biennale des arts de la rue (1982).
[22] Anthony Caro (1924-2013) est un sculpteur britannique. Il réalise des sculptures monumentales abstraites en assemblant des éléments métalliques.
1D305 : Délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (10 janvier 1977-26 décembre 1977), séances du 4 avril 1977, p. 91-94 ; 4 juillet 1977, p. 239-244 ; 25 avril 1977, p. 127-128 ; 17 octobre 1977, p. 306-317 et 323-325.
1D306 : Délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (9 janvier 1978-11 décembre 1978), séances du 9 janvier 1978, p. 50-52 ; 17 avril 1978, p. 124-126 ; 12 juin 1978, p. 264-265.
1D307 : Délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (1979), séances du 12 février 1979, p. 59-60 ; 7 mai 1979, p. 137-138 ; 7 mai 1979, p. 134.
125W2 : Acquisitions immobilières du terrain J.-B. Martin (1977-1978).
164W4 : Terrain J.-B. Martin (1975-1980).
174W58 : Terrain J.-B. Martin (1977-1979).
231W17 : Expositions dans des lieux divers : parc des Droits de l’Homme « 5 sculpteurs à Villeurbanne » (octobre 1982).
231W26 : Acquisition d’œuvres d’art : sculpture monumentale de René Roche installée au Parc des Droits de l’Homme pour la 3ème biennale des arts de la rue (1982).
260W7 : Aménagement du terrain J.-B. Martin, 115-135 rue du 4 août 1789 (1977-1981).
260W11 : Discours d’inauguration de l’Espace des Droits de l’Homme (21 juin 1981).
14Z63 : coupures de presse : affaire du terrain J.-B. Martin (1977-1995).
14Z113 : coupures de presse : terrain J.-B. Martin (1975-1984).
260W7 : Aménagement du terrain J.-B. Martin : Plan, création d’un espace vert, éch. 1/200e (12 juin 1978).
« Le terrain J.-B. Martin et l’école nationale des déficients visuels », Vivre à Villeurbanne, n°7, mars 1979, p. 10-11.
« L’Espace des Droits-de-l’Homme (ex. J.-B. Martin) », Vivre à Villeurbanne, n°19, octobre 1981, p. 15.
« J.-B. Martin, un comité, des habitants, une lutte… », Le Point du Jour, n°42, 10 janvier 1978, p. 7.
« J.-B. Martin la lutte continue », Le Point du Jour, n°97, 15 mars 1978, p. 7.
« Espace des Droits-de-l’homme : l’issue heureuse d’un long combat », Lyon Matin, 17 janvier 1981.
« Bonneterre-Perralière : le béton remplace les usines », Le Progrès, 2 avril 1981.
« Parc des Droits-de-l’Homme : Un « espace » très musical… », Le Progrès, 22 juin 1981.
« Les arts plastiques se mettent au vert », Le Progrès, 6 octobre 1982.
« Le marbre de Guillaubey et la structure métallique de Roche resteront au parc des Droits-de-l’homme », Le Progrès, 13 janvier 1983.
« Maison René-Cassin : un havre de tranquillité dans le quartier », Le Progrès, 26 mars 1985. .
« Un arbre pour les otages », Le Progrès, 20 novembre 1987.
« Du textile aux droits de l’homme », Le Progrès, 30 juillet 1995.