Se préparer à la guerre
Caserne de la Doua, carte postale, 1917. AMV, 2Fi394
Villeurbanne est aussi un lieu de passage et de stationnement pour les troupes. La caserne de la Doua reçoit des régiments qui changent d’affectation : passage du front du Nord au front lorrain par exemple. Les pertes militaires étant très fortes, certains régiments sont décimés et donc dissous. Le Ministère de la Guerre reconstitue de nouveaux régiments en regroupant les effectifs de plusieurs. Les soldats sont ainsi envoyés à l’arrière avant leur enrôlement dans une nouvelle unité et sa montée au front. On peut aussi regrouper les jeunes conscrits de l’année avant leur envoi à la guerre. Ainsi, les populations de l’arrière sont en contact avec les soldats. La région lyonnaise est un lieu important pour le transit des troupes qui peuvent arriver par la voie ferrée. Les gares de Perrache et celle des Brotteaux toute proche sont ainsi particulièrement fréquentées par les troupes qui sont ensuite réparties dans les différentes casernes de l’agglomération. Ce stationnement peut durer quelques jours puisque Joseph a le temps de recevoir des nouvelles de sa famille, de répondre. On voit là aussi les préoccupations des poilus : rassurer leur famille inquiète sur leur sort, avoir des nouvelles des amis au front. Il manifeste, comme beaucoup de soldats et de civils une certaine méfiance sur la communication des informations concernant les opérations militaires par les autorités civiles et militaires. En effet, la censure est importante, autant pour éviter la démoralisation de la population que la communication d’informations à l’ennemi. La presse, censurée et les autorités pratiquent ce qu’on nomme le « bourrage de crâne ». Le bouche à oreille semble être pour Joseph, la façon la plus fiable d’avoir des nouvelles sûres : ici, son maréchal des logis (sergent, donc sousofficier) dont le père est officier supérieur. Cependant, ce mode de transmission de l’information déforme, modifie les événements. On peut aussi faire quelques remarques sur le niveau scolaire de Joseph. Il appartient à cette première génération de l’école de Jules Ferry qu’il a dû fréquenter jusqu’à la fin de la scolarité obligatoire, soit 13 ans, peut-être de façon irrégulière malgré l’obligation scolaire. Il fait partie de cette grande majorité d’élèves qui n’arrivent pas à une maîtrise de la langue écrite en particulier de l’orthographe : seuls en 1914, 20 % des élèves obtiennent le certificat d’études primaires. La guerre les oblige à prendre la plume et modifie le rapport à l’écrit peu développé.
Voir article publié en 1921 par l’historien Marc Bloch qui a fait la Grande Guerre, reproduit dans M. Bloch, Écrits de guerre, 1914-1918, textes réunis et présentés par son fils Etienne Bloch, A. Colin, 1997, p181-182