Refuser de combattre
Délibération du conseil municipal, " dénomination des voies du lotissement communal de Bel Air ", 26 août 1932. AMV, 1D277
Les mutineries de 1917 sont les plus connues. Dans la page du registre matricule concernant notre soldat, Joseph Delille, nous apprenons qu’il a été condamné en 1917 à un an de prison avec sursis pour désertion. L’historien André Loez, dans sa recension des régiments qui ont connu des mutineries, cite celle du 234e Régiment d’artillerie. Entre 20 et 30 soldats ont refusé d’atteler les chevaux aux canons, donc d’installer les batteries. Cependant, ces mutineries ne se limitent pas à 1917. La délibération du conseil municipal d’août 1932 veut rappeler aux Villeurbannais le souvenir de deux affaires de mutineries. La municipalité socialiste et pacifiste de Lazare Goujon entend célébrer la paix et le refus de l’horreur de la guerre. Un nouveau lotissement a vu le jour dans le quartier Bel Air. Il faut nommer les rues. Les noms choisis célèbrent l’esprit de Genève de la Société des Nations : la paix, mais aussi celui du Chancelier allemand Stresemann, artisan avec Aristide Briand du rapprochement franco-allemand en 1923. Il s’agit aussi de célébrer la mémoire de militants français et étrangers pacifistes engagés dans le mouvement socialiste :
- Blasco Ibanez, écrivain et journaliste, homme politique espagnol anticlérical et pacifiste mort en 1928
- Henri Legay, militant CGT, engagé dans la lutte pour le pacifisme, décédé de façon tragique à la suite de son arrestation lors d’une manifestation anti militariste quelques mois auparavant.
- Caroline Séverine, proche de Jules Vallès, militante féministe et pacifiste, membre du Parti Communiste.
Il s’agit aussi de rappeler le souvenir de deux affaires de « fusillés pour l’exemple ». Une rue porte le nom du Caporal Maupas. En 1915, en Champagne, la 21e Compagnie du 336e Régiment d’Infanterie reçoit l’ordre d’attaquer à la baïonnette pour reprendre le nord du village de Souain. Devant les soldats, le terrain est jonché de cadavres. Ils sont épuisés, démoralisés. Ils refusent de sortir de la tranchée. Six caporaux et dix-huit hommes de troupe (pris au hasard) sont traduits en Conseil de Guerre. Quatre caporaux sont condamnés et fusillés. L’un d’eux est le caporal Théophile Maupas, âgé de 40 ans, instituteur et père de deux enfants. Dès la fin de la guerre, sa veuve, Blanche, soutenue par la Ligue des Droits de l’Homme, des associations de mutilés et anciens combattants, lance une campagne pour sa réhabilitation. En donnant le nom de Maupas à une rue, la municipalité soutient ainsi cette action. En 1934, soit deux ans après, le capitaine Maupas retrouvera son honneur. La seconde affaire, est celle des fusillés de Flirey (Lorraine).
En avril 1915, la 5e compagnie du 65e Régiment d’Infanterie refuse de monter à l’assaut (épuisement, offensive inutile selon eux). Les soldats Baudy, Prébost et Fontenaud ainsi que le caporal Morange sont condamnés à mort par le Conseil de Guerre et fusillés. Ils ont théoriquement été tirés au sort. Cependant, Baudy, Prébost et Morange, sont des militants de la CGT. Le Caporal Morange était employé des tramways à Lyon où réside encore sa veuve en 1932. Les soldats Baudy et Prébost sont des maçons creusois qui travaillaient sur les chantiers lyonnais. En 1932, la veuve d’Henri Prébost réside à la Croix Rousse et la soeur de Félix Baudy, rue Hippolyte-Kahn à Villeurbanne. D’abord enterré au cimetière de la Croix Rousse lors d’une cérémonie organisée par la CGT, le soldat Henri Prébost repose aujourd’hui à la nécropole militaire de la Doua. Ils seront réhabilités en 1934.