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Le Répit de Jean-Jules Pendariès

La statue monumentale installée sur l’avenue Henri-Barbusse intitulée Le Répit est l’œuvre d’un artiste peu connu, Jean-Jules Pendariès. Elle fut choisie par le maire de Villeurbanne lui-même, pour marquer l’entrée du quartier des Gratte Ciel, inauguré en juin 1934.

L'oeuvre de Pendariès avant installation sur l'avenue des Gratte-Ciel

Auteur(s) : Dominique Grard, archiviste de la ville de Villeurbanne

Un artiste

Jean-Jules Pendariès né en 1862 à Carmaux dans le Tarn, est contemporain de Jean Jaurès, longtemps député de cette circonscription. Il fait ses études à l’école des Beaux-Arts de Toulouse, puis de Paris, élève de Mercier et Falguière. De 1885 à son décès en 1933, ses sujets privilégient les paysans dont les corps puissants et énergiques sont traités en nudité héroïque, à l’exemple de la traditionnelle sculpture d’histoire, ainsi qu’en témoignent ses œuvres exposées au musée de Gaillac (Tarn) : Aux champs, La fin du jour, L’enfant à l’anguille et au musée de Narbonne : Travailleur des Champs. Notons que le musée de Gaillac conserve une tête du Répit de 60 centimètres.

La commande municipale

Cette statue vient parfaire l’ordonnancement de la cité rêvée par Lazare Goujon, qui clôt une conférence donnée à Paris le 28 avril 1933, par ces mots : « Le Répit du travailleur, cette statue magnifique et colossale qui, le premier juillet prochain, se dressera à la jonction de la grande avenue centrale avec le cours Emile-Zola, symbolisera l’animation joyeuse et bienfaisante d’une ville ultra-moderne surgie du sol en quelques mois ».

Dès 1932, le député maire socialiste avait pu l’admirer à Paris sur la place d’Angoulême, mais il s’agissait alors d’un marbre dont il fit remarquer au gardien la petite taille, ce à quoi l’artiste dans un courrier du 20 juillet 1932 « s’empresse de [l’]informer que le véritable modèle est plus grand » et, joignant une photographie du modèle, il note au dos, « Le Répit de l’agriculteur : statue marbre pour le petit palais des Beaux-Arts de la ville de Paris ». Ce marbre est en effet acquis par la ville de Paris en 1907 et placé en 1926 sur la place devenue esplanade Roger Linet, dans le 11e arrondissement, face à la « Maison des métallos », haut lieu du syndicalisme.

L’artiste propose alors « d’en exécuter une réplique en pierre dure d’Euville au prix de 25 000 Fr. Le bloc nécessaire payé à part soit 3 à 4 000 Fr. »

Le maire confirme son choix au secrétaire général de la ville de Villeurbanne l’année suivante, dans une note du 26 avril 1933 : « (...) j’ai vu le Répit du Travailleur au Grand Palais et j’ai été agréablement surpris de la beauté de l’œuvre ».

Une fois le bloc taillé, une petite note précise : « monsieur le député, en réponse à votre lettre du 9 juin, je m’empresse de vous faire savoir que les dimensions de la statue sont : hauteur 2,60 m, face largeur 1,60 m, Côté épaisseur 1,20 m, poids 3 500 kg ».

Travailleur ou agriculteur ?

Le sujet de cette sculpture pose question : s’agit-il du Répit du Travailleur comme l’intitule le député-maire selon les informations de la ville de Paris, ou du Répit de l’Agriculteur, comme le note lui-même le sculpteur sur sa carte photo ?

Une note manuscrite de l’artiste, datée du 1er août 1932, avoue clairement sa filiation : «[je suis] très respectueusement dévoué à mon œuvre unique, genre Penseur de Michel-Ange et Rodin ». La référence à Rodin, artiste emblématique de la gauche républicaine, ne pouvait que convenir au socialiste Lazare Goujon.

En effet, comme le souligne l’historien de l’art Gilbert Gardes citant en 1990 un article du frère de l’artiste, Roch Pendariès, l’idée du répit serait venue à Jean-Jules à la suite de considérations sur le thème du penseur : « pourquoi ne pas représenter le travailleur manuel dans ses pensées, pendant son répit ? ».

Il faut rappeler ici l’antériorité du Penseur de Rodin, réalisé en 1903 à partir d’une version plus petite créée vers 1880. Installé devant le Panthéon le 21 avril 1906, il est bientôt perçu dans un climat de crise politique et sociale comme un symbole de la gauche, et devient un point de rassemblement des manifestations syndicales, avant d’être rapatrié au musée Rodin en 1922.

Le Répit, au-delà de son ambiguïté, travailleur des champs, de la mine, ou de l’usine, reste l’incarnation du Peuple et manifeste l’étroite symbiose entre force physique et réflexion.

Enfin, lors de la Biennale de Belleville en 2012, l’artiste britannique Charlotte Moth, dans son installation intitulée « Penser le travail et travailler la pensée », redécouvre la statue parisienne de l’esplanade R. Linet : « l’hommage au monde du travail est finalement peut-être accentué par le fait que le travailleur perde régulièrement son outil -la pioche- pour un dialogue d’autant plus proche avec le penseur. »

Si le travailleur de l’esplanade a perdu son bâton, celui de l’avenue Barbusse, parfaitement conservé malgré ses 80 ans, s’appuie encore sur son outil. Il trône toujours sur son piédestal au décor cannelé comme la façade de l’hôtel de ville, au centre « du refuge du rond-point » dont parlait Lazare Goujon.

 


Bibliographie

Gardes (Gilbert), « La sculpture publique dans le département du Rhône ou le génie du lieu », dans Le Rhône, naissance d’un département, 1990 (AMV 2C2169).

sitographie

http:/www.labiennaledebelleville.fr/2012/09/penser-le-travail-et-travailler la pensée/Charlotte Moth


Sources

Archives municipales de Villeurbanne

2D29 Correspondance : notes manuscrites du député maire au secrétaire général (1933).

3R63 Acquisition d’œuvres d’art (1920-1934) : acquisition de l'œuvre sculptée de Jules Pendariès « Le répit » : courriers et notes manuscrites, photographie du modèle (1932-1933).

2Fi 296 : carte postale : le monument vu par-dessous (1934)

2Fi459 : carte postale : vue de l’avenue et du monument au premier plan (années 1950)

4Fi 10 : photographie : vue sur l'avenue et les immeubles en voie d'achèvement (1933-1934)

4Fi 82 : photographie : œuvre monumentale de J. Pendariès : "Le répit"

Archives de la ville de Paris

Cote 1064/72/1, liasse 147 : dossier d’acquisition par la ville de Paris (1907) et travaux de nettoyage (1926-1927)


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