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Le Stadium

Le Stadium, projet pensé et porté par Lazare Goujon au moment de l'aménagement du nouveau Centre, était situé le long du cours Émile-Zola, à la place de l'actuelle Maison du livre de l'image et du son. Présenté comme l'équivalent du Palais du Travail pour le sport, cet équipement ultramoderne devait couronner les réalisations d'équipements sportifs dues à la municipalité socialiste.

Projet de façade du Stadium, 1933 (4Fi182)
L'une des façades du Stadium inachevé, photo Egea et Gaymard (21Fi113o)
Spectacle de tauromachie dans le Stadium,10 juillet 1949, photo Egea et Gaymard (21Fi123f)

Auteur(s) : Clément Bollenot, historien

Un projet d'envergure internationale

Le projet du Stadium n'est pas mentionné dans les plans originaux d'aménagement du nouveau Centre. Le 26 juin 1933, le conseil municipal entérine le projet d’un Stadium et l’arrêt de la construction des trois derniers groupes des Gratte-ciel le long de la rue Paul Verlaine.

Le projet défendu par le maire, lancé après les ouvertures des piscines de Cusset et des Gratte-ciel, apparaît comme un véritable Palais des sports. La Ville acquiert un terrain situé entre le cours Émile-Zola, la rue Anatole France et la rue de la Chaumine (actuelle rue Roger Lenoir). Il s'agit d'une zone anciennement occupée par les ateliers industriels de l'entreprise Schwartz-Hautmont. Le Stadium prévu à cet endroit est un vaste bâtiment de 17 260 m² pouvant accueillir 12 000 spectateurs. Il doit comporter un vélodrome d'hiver couvert de 8 000 m², une piste de 200 m, une arène pugiliste, une patinoire et des salles de réunion. Il peut également se transformer en forum pour accueillir meetings, conférences et expositions. La dimension commerciale et les loisirs ne sont pas oubliés. Ainsi, huit portes monumentales permettent au public d’accéder à un espace climatisé doté de magasins, de bars et de restaurant, un concept rare en France à l'époque, puisque seule Paris compte un Palais des Sports de ce type. En effet, si presque toutes les villes américaines sont à l'époque dotées d'équipements semblables, ils sont plus rares en Europe, hormis en Allemagne et en Angleterre. L'équipement voulu par Lazare Goujon fait donc figure de précurseur, dans un domaine où la France connaît un retard important.

Le coût total du projet est estimé à plus de 10 millions de francs, une somme importante.  Il est cependant accepté par la municipalité car cette dépense doit s'effectuer sur 10 ans, sans avoir à recourir à l'emprunt. De plus Lazare Goujon compte sur des retombées positives pour la ville: « Nous pouvons espérer, en raison de l'engouement de la jeunesse pour le sport, que des foules importantes viendront de toutes parts de notre agglomération et même de la région assister aux manifestations sportives que le Stadium, qui sera par ses dimensions et ses aménagements un établissement unique dans tout le Sud-Est de notre pays, permettra d'organiser dans des conditions inconnues à ce jour. Naturellement, toutes ces foules dépenseront, consommeront, achèteront dans notre ville pour le plus grand avantage des commerçants et, par répercussion, pour celui de toute la population ».

Il s’appuie sur les réussites des manifestations du Stade Municipal de Lyon ainsi que du Palais d'Hiver. Avec les recettes liées à la taxe sur les spectacles, le Stadium doit rapidement être rentable.

 Le Stadium face aux difficultés

 Ses plans sont réalisés par un trio d'architectes bien connus à Villeurbanne : Robert Giroud, Henri Chambon et Morice Leroux, qui travaillent sur les plans d'un bâtiment "grandiose et confortable", à la hauteur des réalisations du nouveau Centre, symbole de la modernité de Villeurbanne. La façade monumentale rappelle celle de l'Hôtel de Ville.

Le 30 septembre 1933, la SVU (Société Villeurbannaise d'Urbanisme qui a construit et qui gère alors les immeubles du quartier des Gratte-ciel et dont Lazare Goujon est président du conseil d’administration) est désignée pour l'aménagement du Stadium. Celui-ci est propriété de la Ville, qui en contrôle le fonctionnement.

Avec le soutien d’un groupe d'industriels lyonnais, le chantier débute à la fin de l'année 1933. Jusqu'en 1934, les travaux sont menés régulièrement et la structure sort de terre.

Les élections municipales de 1935 changent la donne. En effet, Lazare Goujon perd son fauteuil au profit du communiste Camille Joly, qui, héritant d’une situation financière communale difficile, n’a plus les moyens d’entretenir un chantier coûteux. Pendant plus de 10 ans, il est à l'abandon. La structure s’abîme sous les assauts des intempéries et de la végétation qui reprend peu à peu ses droits. En 1947, Lazare Goujon, réélu, relance le projet en recontactant Morice Leroux. Le maire impulse la création de la Société du Stadium avec  pour objectif "l'aménagement et l'embellissement en vue de l'exploitation immédiate et de l'achèvement du Stadium". Avec un capital de 15 millions de francs, la société entreprend la construction d’une piste cycliste, de murettes de protection, d’escaliers, de gradins et d’un système d'éclairage. Mais les moyens financiers sont insuffisants et lors de l'ouverture au public en mai 1949, le bâtiment est loin de l'aspect initialement projeté. Ainsi, il n'est pas couvert, ce qui en limite l’utilisation, mais n’empêche pas l’accueil de nombreuses manifestations entre le 14 mai 1949 et le 22 juin 1957: matchs de boxe, catch, basket-ball, handball, volley-ball, spectacle taurin, démonstration de moto, rodéos automobiles et nombreuses courses cyclistes entre 1952 et 1957. Le lieu est aussi utilisé pour des manifestations non sportives : congrès de la Mutualité, fête du Comité des chômeurs, kermesse de l’Œuvre des enfants à la mer, ou encore exposition de matériel agricole.

La fin du Stadium

 Mais, dès 1954, pour le premier adjoint de Lazare Goujon, Etienne Gagnaire, qui lui succède à l'Hôtel de Ville, le Stadium n'est plus la priorité. Une délibération du conseil municipal du 28 mai 1962 entérine la reprise de ses installations par la municipalité et dissout la Société du Stadium, « qui n’a pas entièrement réalisé les engagements pris », même si elle a à son actif « l’une des meilleures pistes cyclables d’Europe ». Si, pour le maire, « la démolition coûterait plus cher que l’achèvement », c’est pourtant la démolition que vote le conseil municipal le 8 novembre 1965. Le contexte a changé à Villeurbanne : « Il s’avère qu'il ne correspond plus aux besoins actuels, […] que l’existence de la Maison des sports [inaugurée pour les besoins de l’ASVEL en 1958 et toute proche] et de sa salle d’entraînement enlève au Stadium la plus grande partie de l’utilité susceptible d’être attendue d’une finition éventuelle ». À l’automne 1966, les travaux de destruction sont menés afin de procéder à la réalisation d'un parking et d'un terrain de jeux pour enfants.

Ainsi disparaît ce grand projet qui devait parachever l’œuvre de Lazare Goujon et qui ne fut jamais le "modèle parmi les plus modernes que toutes les grandes villes d'Europe et d'Amérique pourront envier" (Morice Leroux).

En 1988, sur une partie des terrains occupés par le Stadium, est inaugurée la Maison du livre, de l'image et du son réalisée par l’architecte Mario Botta.


Bibliographie

Clémençon (Anne-Sophie) (dir.), Les Gratte-ciel de Villeurbanne, Les éditions de l’imprimeur, 2004, 237 p.

Terret (Thierry), Histoire du sport, PUF, Que sais-je ?, 2007, 126 p.

 

 

 


Sources

Archives municipales de Villeurbanne :

4C599 : revue de presse sur les Gratte-ciel (1932-1934) 

1M82: plans (1933), devis, financement.

1M84: plans (1947-1949), correspondance, Société du Stadium (1946-1962), mémoires de construction.

1M85: démolition du Stadium (1963-1972), plans du Stadium (1963), correspondance du maire, plan d'assainissement (1967), marché des travaux de démolition (1965-1967), plan d'exécution des travaux de démolition (1966).

14Z91 : Stadium : coupures de presse locale (1936-1962, 1994)

20Z152: projet d'achèvement du Stadium (1949).

20Z153: manifestations au Stadium (1949-1957).

 Sources imprimées :

 Goujon (Lazare), Villeurbanne 1924-1934, 10 ans d’administration, A.T.L., 1934.

Articles de presse :

 « Un Stadium s'élèvera prochainement à Villeurbanne », Le Progrès de Lyon, 30 juin 1933.

« 30 ans après !... On va terminer le Stadium de Villeurbanne », Rhône-Presse, n°138, 26 juillet 1962.


Thèmes : Sport et loisirs

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