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La piscine de Cusset ou Centre nautique Étienne-Gagnaire

La piscine de Cusset -ou piscine d’été- est le premier équipement sportif majeur de la commune de Villeurbanne. Située au 59 avenue Marcel-Cerdan, à côté du Stade municipal, elle fait partie du réaménagement de la ville décidé par Lazare Goujon avec la réalisation des Gratte-ciel. Inaugurée le 30 mai 1931, la piscine de Cusset prend le nom de Centre nautique Étienne-Gagnaire suite à la délibération du conseil municipal du 26 septembre 1983.

Piscine de Cusset : carte postale (1946) (cote 2Fi12)
course inaugurale (30 mai 1931) (4Fi167)
affichette pour l'ouverture de la piscine de Cusset (1931) (cote 1M76)

Auteur(s) : Clément Bollenot, historien

Une politique de prestige

Par décision du conseil municipal du 18 septembre 1929, la municipalité entérine la construction « d’un stade comprenant des terrains de jeux et une grande piscine d’été ». Si cette décision permet de combler une lacune, la municipalité « ne fait autre chose, en engageant hardiment cette politique de l’eau claire, que compléter de manière parfaite cette politique de maisons claires mise en pratique, on sait avec quelle envergure, dans la construction du nouveau centre »[1]. Ce projet s’inscrit dans la politique hygiéniste de Lazare Goujon.  Au même titre que la piscine des Gratte-ciel, il s’agit de permettre aux Villeurbannais de pratiquer une activité physique afin de pouvoir exercer leur corps pour préserver leur santé.

La date de la décision du conseil municipal n’est pas liée au hasard, puisqu’elle intervient l’année même du lancement de la construction du stade nautique de Gerland à Lyon. Illustrant la rivalité entre les deux villes, la réalisation des piscines devient alors l’un des enjeux d’une politique de prestige qui illustre le « socialisme d’action » (selon Jean-Paul Callède[2]) . Le coût total de la piscine de Cusset est d’environ 3 millions de francs (dont 663 000 francs financés par une subvention de l’État), un investissement important dans un contexte économique difficile, qui permet à Villeurbanne de se doter d’un équipement de pointe.

Un projet bien étudié

Avant cette réalisation, écrit Lazare Goujon, « aucun établissement de natation véritablement digne de ce nom n’existait à Villeurbanne ni, l’on peut bien dire, dans la région ». Avec la piscine de Cusset, la municipalité assure à Villeurbanne un temps de suprématie régionale dans le domaine.

Rien n’a été laissé au hasard entre la prise de décision et la mise en chantier. Dès 1929, une équipe d’ingénieurs se met en relation et visite les principales piscines de l’époque, afin d’étudier leur fonctionnement et d’échanger avec les acteurs de ces réalisations. Ils en ressortent convaincus de la nécessité de bâtir une piscine moderne pour Villeurbanne. Le terrain choisi est limité au nord par le Canal de Jonage, à l’est par les terrains concédés à la société des Forces Motrices du Rhône et au sud, par le chemin du Cimetière et les fortifications. La situation à proximité du canal est stratégique car l’alimentation en eau peut ainsi se faire par simple gravité et la société accepte qu’elle y soit puisée pour la modeste somme de 1000 francs par an. En un an les travaux sont achevés.

Un équipement avant-gardiste

Lors de l’inauguration du stade nautique, le 30 mai 1931, les critiques sont unanimes. Les Villeurbannais et la presse sont sous le charme de l’équipement ultra moderne réalisé par l’architecte local Henri Chambon. On salue un ensemble « aux vastes proportions », à « l’heureuse situation » qui a su répondre aux « désirs de la population » qui « permettra le développement de la natation, sport aussi utile qu’agréable ». Lors des courses inaugurales, la présence de Jean Taris, champion du  monde de nage libre et détenteur de plusieurs records dans la discipline, est un symbole fort qui contribue également à l’accueil enthousiaste. Lazare Goujon, médecin hygiéniste, accorde la plus haute importance à ce que l’eau soit saine. Il utilise à Villeurbanne le principe de verdunisation (procédé de désinfection de l’eau par chloration) qu’il n’hésite pas à défendre devant la Chambre des Députés. Le maire n’a de cesse de rassurer les Villeurbannais qu’ils ne courent aucun risque en venant à la piscine et que les rumeurs de maladies qui se développent dans l’eau des piscines sont fausses.

La piscine d’été apparaît véritablement avant-gardiste lors de son inauguration. Elle compte deux bassins de plein air. Le premier, mesurant 50 m de long sur 18 m de large, est conforme aux réglementations des compétitions officielles. Le second (18 m de long sur 5,5 m de large), moins profond, est dédié à l’apprentissage de la natation. L’ensemble compte 316 cabines pour les hommes, 64 pour les dames. En outre, on trouve autour des bassins deux plages de sable fin de 300 m² chacune qui constituent le solarium, très novateur pour l’époque. La piscine possède aussi des gradins qui peuvent accueillir 2000 spectateurs. L’eau est maintenue saine par un système de filtres à quartz à la pointe de la technologie de l’époque. Avec les douches obligatoires, tout est fait pour garantir la santé des baigneurs, « premier souci de l’administration ».

Si cette piscine est très fonctionnelle, la place accordée aux loisirs est sans équivalent. En plus de la plage, les baigneurs ont accès à une buvette et un restaurant, où les consommations et les repas leur sont servis soit dans une salle au niveau du quai, soit sur une terrasse surplombant les bassins.

Dès son ouverture, la piscine de Cusset accueille les élèves des écoles de la ville bien avant que la natation ne soit rendue obligatoire. Elle reçoit aussi le grand public entre juin et septembre, avec un immense succès, dès la première saison. En effet, les baigneurs sont si nombreux que « les recettes dépassent le coût de fonctionnement ». Il s’agit de la seule piscine qui gagne de l’argent, malgré un prix du ticket d’entrée modeste. Le lieu dépasse ainsi rapidement sa fonction initiale pour devenir le cadre de la sociabilité villeurbannaise.

De la piscine d’été au Centre nautique

Après quarante années de service, la piscine d’été ferme ses portes à la fin de la saison 1972. En effet, une délibération du conseil municipal du 20 octobre 1971 fait état d’un projet de réaménagement complet de la piscine qui doit être modernisée. Plusieurs années de travaux sont alors nécessaires pour transformer la piscine d’été vieillissante en un équipement « qui n’a pas son pareil dans le département ». Les changements sont profonds puisque désormais le nouveau centre nautique de Cusset compte un bassin couvert (50 mètres sur 21, conforme aux compétitions officielles), deux bassins en plein air (25 mètres sur 20) ainsi qu’une pataugeoire, selon les plans de l’architecte Michel Marin. Ces travaux d’un montant de 20 millions de francs représentent un investissement. Inauguré le 23 mai 1976 par le maire Étienne Gagnaire, le centre nautique est baptisé de son nom par délibération du conseil municipal du 21 mai 1983. Charles Hernu, qui l’inaugure le 21 mai 1984, évoque « l’une des plus importantes réalisations » de son prédécesseur. Le centre continue ensuite à se moderniser. À la fin des années 1980, il devient ainsi l’un des quatre centres nautiques de France à s’équiper d’un rideau pour garder la chaleur des bassins extérieurs. Dans les années 1990, il est l’un des premiers à s’équiper de vestiaires électroniques et d’une salle de musculation.

Dès le début, la piscine de Cusset connaît un important succès, pas seulement auprès des enfants. Celui-ci ne se dément pas par la suite et des records de fréquentation sont régulièrement enregistrés lors des grosses chaleurs. En 1991, la piscine développe une politique d’animation à destination des jeunes qui ne partent pas en vacances l’été. L’endroit devient alors un véritable centre de loisirs. Des alternatives pour désengorger la piscine sont proposées : water-polo, ping-pong, volley, kayak, badminton et sorties. En 1992, des tarifs préférentiels pour les Villeurbannais sont instaurés afin que ceux-ci continuent de fréquenter la piscine en hiver.

Plus qu’un équipement sportif, le Centre nautique Étienne-Gagnaire continue de jouer un rôle social important à Villeurbanne.






Notes

[1] Goujon (Lazare), Villeurbanne 1924-1934, 10 ans d’administration, A.T.L., 1934, p. 323

[2] Callede (Jean-Paul), « Notes d'architecture sportive : le socialisme municipal des années Trente à Bègles », Annales du Midi, oct. -déc. 1990,  n° 192, t. 102, p. 615-634



Bibliographie

Clémençon (Anne-Sophie) (dir.), Les Gratte-ciel de Villeurbanne, Les éditions de l’imprimeur, 2004.

Terret (Thierry), « La construction des piscines lyonnaises », Le sport et la ville, Spirales,  n° 5, 1992, p.33-44.

Terret (Thierry), Histoire du sport, PUF, Que sais-je ?, 2007, 126 p.


Sources

Archives municipales de Villeurbanne :

1M73 : plans (1930, 1931).

1M74 : devis, cahier des charges, travaux divers (1930, 1931).

1M76 : enquête auprès des villes équipées de piscines (1929), présentation de l’équipement (1931-1933), fonctionnement (1951-1967).

1M78 : transformation de la piscine d’été en centre nautique, plans (1972).

4R24 : inauguration du Centre nautique de Cusset (1976).

11W105 : discours d’inauguration du Centre Nautique Étienne Gagnaire par Charles Hernu (1984).

14Z91 : piscine de Cusset : coupures de presse (1930-2000).

Sources imprimées :

 Goujon (Lazare), Villeurbanne 1924-1934, 10 ans d’administration, A.T.L., 1934.

 

 Articles de presse :

 « Inauguration du Stade de Villeurbanne », Lyon Républicain, 1er juin 1931.

« Inauguration du stade nautique municipal», Bulletin Municipal Officiel ville de  Villeurbanne, n° 63, juillet 1931, p.1431.

« Où, chaque année, 25000 enfants s’exercent dans les deux piscines de notre ville », La Voix du Peuple, 11 juin 1937.

« Animation joyeuse et saine à la piscine », La Voix du Peuple, 17 juillet 1945.

« Avec un beau temps, la piscine d’été connaît un afflux de baigneurs », Dernière Heure Lyonnaise, 18 juin 1961.

« Réalisation de caractère exceptionnel : le nouveau centre nautique de Cusset a été inauguré par M. Gagnaire », Dernière Heure Lyonnaise, 24 mai 1976.

« Le tour des piscines villeurbannaises », Le Progrès de Lyon, 25 octobre 1987, p.10.

« Cure de jouvence pour la piscine Étienne Gagnaire », Le Progrès de Lyon, 19 septembre 1988.

« La force pure », Lyon Matin, 11 décembre 1990.

« Changement de cap », Le Progrès de Lyon, 28 février 1992.

« Bouge hot au centre nautique », Le Progrès de Lyon, 17 juillet 1992.

« Plongeon, sports et jeux », Lyon Matin, 14 août 1992.

« Soixante ans de baignades », Le Progrès de Lyon, 30 juin 1996.

« Les nageurs à la (re)conquête de leur piscine », Le Progrès de Lyon, 24 juillet 1996.

« Centre nautique Étienne Gagnaire : une fréquentation record », Le Progrès de Lyon, 11 juillet 1999.


Thèmes : Sport et loisirs

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