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Consultation

Quartier de La Perralière

L’ensemble de La Perralière, réalisé par l’architecte Jean Dubuisson entre 1970 et 1974, forme un quartier résidentiel autonome. Il comprend près de 1000 logements locatifs, des bureaux, des commerces et des équipements publics. Cet ancien secteur industriel, où était implantée une usine Gillet, s’est métamorphosé en une décennie en un nouveau quartier locatif dont deux immeubles signés Lods et Dubuisson sont désormais labellisés Patrimoine du XXe siècle.

vue aérienne des usines Gillet en 1930 (4Fi531)
Le quartier de la Perralière en mars 1987, photo D. Devinaz
La Perralière aujourd'hui, photo S. Madjar

Auteur(s) : Sandrine Madjar, historienne de l'art

L’usine Gillet

L’essor industriel, de la fin du 19e siècle, entraîne une urbanisation rapide de la commune qui possède des espaces disponibles. Dès 1880, l’entreprise textile Gillet[1] décide de s’agrandir en s’implantant dans l’actuel quartier de La Perralière. La société acquiert un terrain de 87 000 m² [2] pour y construire en 1889, une usine de teinturerie et ses dépendances. La vie et le développement du quartier s’organisent au rythme de la plus importante usine de la ville, qui emploie, vers 1930, près de 2 000 salariés. Comme cela est d’usage pour les entreprises textiles, la société Gillet fait construire des logements pour ses ouvriers, à proximité du site de production.

Les crises successives des années 1930 entraînent une baisse des effectifs. Le déclin de l’activité industrielle du quartier s’amorce à partir de 1960. L’usine Gillet, qui ne compte plus que 650 salariés en 1961, envisage sa fermeture dès 1963. Des promoteurs s’intéressent alors à l’acquisition du site. En 1966, l’usine ferme définitivement et, le 26 janvier 1967[3], la SEFIMEG[4] acquiert un terrain de 13 ha afin d’édifier un grand ensemble résidentiel entre les rues du 1er-mars-1943, du 4-août-1789, de la Baïsse et du Docteur-Frappaz. L’usine est entièrement détruite au cours de l’été 1968[5].

L’édification d’un grand ensemble

La SEFIMEG prévoit la construction de plus de 1 000 logements, de bureaux, d’un centre commercial et d’équipements socioculturels. La municipalité d’Etienne Gagnaire, qui souhaite établir une liaison entre les Gratte-Ciel et l’ancien centre-ville de Cusset et rénover le quartier, soutient activement le projet. Le maire s’accorde avec le promoteur pour qu’il prenne en charge la construction d’équipements collectifs qui reviendront ensuite à la Ville. La SEFIMEG cède également 2 ha de terrain à la municipalité, rue du Docteur-Frappaz, en vue d’édifier le groupe scolaire Louis-Pasteur.

 L’architecte Jean Dubuisson[6], spécialisé dans l’édification de grands ensembles, est choisi pour réaliser un quartier moderne. Parallèlement à ce projet immobilier, deux premières barres d’immeuble sont érigées à proximité entre 1969 et 1971. Un immeuble de 160 logements avec annexe est édifié par Jean Dubuisson, pour le compte de la SEFIMEG, au nord de la rue du 4-août-1789. Un deuxième immeuble de bureaux est réalisé à la demande de la COFIMEG[7] par les architectes Marcel Lods, Paul Depondt et Henri Beauclair, à l’ouest de la rue du 1er-mars-1943[8].  

La demande d’accord préalable du projet est accordée le 20 juin 1969[9] pour la réalisation de l’ensemble immobilier. Le permis de construire est ensuite délivré le 26 août 1970[10]. Jean Dubuisson imagine un quartier locatif composé de trois barres et de neuf tours avec des annexes accueillant centre commercial et équipements socioculturels.

Le chantier est divisé en trois tranches de constructions successives, à l’ouest, à l’est puis au sud. La première phase démarre en 1971 avec l’édification d’une barre et de trois tours. Le 5 février 1973[11], le permis de construire est modifié afin d’inclure dans la construction un immeuble de bureaux, en remplacement d’une tour résidentielle, le long de la rue de la Baïsse. Ces deux premières tranches de construction sont achevées à la fin de l’année 1974.

Le 25 septembre 1975[12], le permis de construire est à nouveau modifié pour la réalisation de la troisième tranche. Le nombre de logements de la barre et des deux tours restantes est revu à la baisse pour des raisons financières. Leur réalisation est confiée aux architectes R. Levasseur et J.L. Girodet qui officient à Lyon. L’agence, en charge de la construction de ce dernier groupe d’immeubles, modifie le traitement des façades. Au début de l’année 1978, l’ensemble immobilier est entièrement achevé.

Un langage architectural moderne

Le complexe de la Perralière accueille plus de 1000 logements répartis entre trois barres d’immeubles de 11 étages et de 34 m de haut, ainsi que huit tours de 16 étages et de 47 m de haut. Des annexes à usage de locaux socioculturels et commerciaux s’articulent au pied des deux tours donnant sur la rue du 4-août-1789. Une barre d’immeuble de cinq étages à usage de bureaux complète l’ensemble. Les vis-à-vis entre les logements sont limités par la disposition des immeubles.

Les constructions, réalisées en béton armé recouvert d’un enduit blanc, possédaient à l’origine un soubassement et des lignes noirs. Ravalées dans d’autres teintes, les façades de l’ensemble de La Perralière ont perdu leur harmonie initiale.

Influencé par le mouvement Moderne, Jean Dubuisson est un architecte fonctionnaliste[13]. Les bâtiments qu’il édifie à La Perralière présentent des volumes géométriques simples et lisses, animés par le tracé de lignes pures. Les élévations sont traitées et rythmées par des loggias continues sur deux façades. Cette trame permet de cacher les murs porteurs de l’édifice et d’alléger la structure. La signature architecturale de Jean Dubuisson est lisible en façade par l’entrecroisement de lignes verticales et horizontales, formant une trame uniforme inspirée du motif écossais employé dans le tissage.

Des espaces de détente et de rencontre

L'ensemble de La Perralière s’ouvre sur une large esplanade en dalles de béton, rue du 4-août-1789. Elle reprend, dans son dessin, la trame des lignes entrecroisées. En son centre, un grand bassin, aujourd’hui remblayé, accueille une fontaine sculptée par Alberto Guzman[14]. Les parkings sont rejetés sur les côtés afin de réserver la partie centrale aux loisirs et à la promenade.

Jean Dubuisson attache un soin particulier à la mise en place de la végétation au sein de ses grands ensembles. Il inscrit, au cœur de son projet, un parc au terrain vallonné, aménagé comme un espace vert naturel avec des arbres librement plantés et doté de huit sculptures[15] créées en 1973 par l’artiste argentin Julio Silva[16]. Réalisées en marbre poli de différentes provenances, elles s’inspirent du monde animal et végétal. L’enchevêtrement de formes courbes et fluides leur donne l’apparence de créatures fantastiques.

Le 10 mars 2003, l'un des immeubles érigés par Jean Dubuisson a reçu le label Patrimoine du XXe siècle[17] qui signale cet élément d’un ensemble urbain comme une édification majeure du siècle dernier, nécessaire à transmettre aux générations futures.




Notes

[1] Fondée par François Gillet (1813-1895), cette entreprise de teinturerie familiale fut l’une des plus importantes de la région lyonnaise entre le milieu du 19e siècle et le début du 20e siècle.

[2] Surface déclarée par Gillet dans la demande d’autorisation pour un établissement classé insalubre et dangereux (ADRhône  5M Etcl 130, Gar à Gin)

[3] PC14/1970 : groupe d’immeubles (1970).

[4] Société française d’investissement et de gestion. La SEFIMEG est une société immobilière d’investissement qui est copropriétaire du quartier de La Perralière avec COFIMEG et UFIMEG. Elles sont toutes les trois rattachées au groupe de l’Immobilière Construction de Paris et assurent le financement, la construction ainsi que la gestion d’immeubles locatifs.

[5] PC3/1969 : demande d’accord préalable (1969).

[6] Jean Dubuisson (1914-2011), issu d’une famille d’architectes, commence ses études à l’école régionale d’architecture de Lille, puis sort diplômé de l’école des Beaux-Arts de Paris en 1939. En 1945, il reçoit le grand prix de Rome ex aequo avec l’architecte français Jean de Mailly. À la recherche d’une expression architecturale nouvelle, ses conceptions sont fortement influencées par les architectes du mouvement Moderne, dont Le Corbusier et Walter Gropius. À partir des années 1950, il se spécialise dans l’édification de grands ensembles répondant au principe du fonctionnalisme. Il ouvre une nouvelle agence à Courbevoie en 1960.

[7] Compagnie française d’investissements immobiliers et de gestion.

[8] Cet immeuble de bureaux a reçu le 10 mars 2006 le label Patrimoine du XXe siècle, créé en 1999 à l’initiative du Ministère de la Culture et de la Communication, avant d’être réhabilité en logements étudiants en 2007.

[9] PC3/1969 : Demande d’Accord Préalable (1969).

[10] PC14/1970 : Groupe d’immeubles (1970).

[11] Id.

[12] Id.

[13] Principe architectural selon lequel la forme d’un édifice est déterminée par sa fonction.

[14] Alberto Guzman, un sculpteur né au Pérou en 1927 vit aujourd’hui en France.

[15] Elles s’intitulent Chenille, Le Messager, La Chouette, Flamant, Igor, Colombe, Fleur parlante et Oiseau mouillé.

[16] Julio Silva sculpteur-peintre né en en Argentine en 1930, est installé à Paris depuis 1955.

[17] Le label Patrimoine du XXe siècle est attribué à la Résidence La Perralière-Bât. L'Arche situé 166, rue du 4 Août 1789/rue de la Baïsse.

 

 


Bibliographie

 Webographie

Bonneville (Marc), « La désindustrialisation urbaine, le cas de Villeurbanne (1963-1974) »,  Revue de géographie de Lyon, vol. 50 n°1, 1975, p. 97-105, Persée, document en ligne, consulté le 2015-06-25 <http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geoca_0035-113x_1975_num_50_1_1670>.

Bonneville (Marc), Désindustrialisation et rénovation immobilière dans l'agglomération lyonnaise : le cas de Villeurbanne, éd. Hermès, 1975 (cote AMV 2C1112)


Sources

Archives municipales de Villeurbanne :

Permis de construire 3/1969 : demande d’accord préalable (1969).

Permis de construire 20/1969 : 160 logements (1969).

Permis de construire 14/1970 : Groupe d’immeubles (1970).

Permis de construire 51/1970 : Immeuble de bureaux (1970).

 

4C622 : Coupures de presse : politique municipale associative, vie des quartiers (1982-1989).

2D97 : Correspondance du maire avec la société SEFIMEG/La Perralière (1968-1976).

4R9 : Coupures de presse concernant les comités de quartier de La Perralière (1970-1976)

14Z113 : Coupures de presse : vie des quartiers de Villeurbanne, La Perralière (1977-2000).

 

Archives départementales du Rhône

 5M Etcl 130 Gar à Gin  Entreprise Gillet : demande d’autorisation pour établissement classé insalubre et dangereux (1889)

 

Sources imprimées :

« Les chantiers de la ville ou naissance d’un nouveau quartier », Le Progrès, 4 février 1972.

 « Montessuy et la Perralière : deux exemples d’aménagement de l’espace urbain », Le Progrès, 10 août 1974.

 « La Perralière : un quartier vert au cœur de la cité », Bulletin Municipal Officiel de la ville de Villeurbanne, n° 401, 2e trimestre 1975, p. 12-18.

 « Grandeur et misères de la teinturerie Gillet », La Gazette de la Perralière, 1984, 2 p.

 « Bonneterre-Perralière : Le béton remplace les usines », Le Progrès, 2 avril 1981.

 « La Perralière avant les tours », Le Progrès, 23 mars 1984.

 « La Perralière : Des sculptures qui se cachent », Lyon-Matin, 10 janvier 1987.

 


1 commentaire

  • isa.L., 7 avril 2021 à 16h57Répondre
    pour moi il reste encore un bout de bâtiment de l'usine Gillet, rue du 1er Mars 1943, du 101 au 105. Vue par satellite c'est flagrant, même sheds et architecture que sur la photo de 1930.

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