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Quartier de Cusset

A l'est de Villeurbanne, le quartier de Cusset a longtemps constitué le centre de la commune, avec l'église la plus ancienne et la première école. Sa physionomie a connu de profonds bouleversements entre la fin des années 1950 et celle des années 1990.

la place de Cusset en 1918
la rue Cornavent avant 1914 (aujourd'hui P. Baratin)
le cours Emile Zola et le tramway vers la place de Cusset avant 1914

Auteur(s) : Dominique Grard , archiviste de la ville de Villeurbanne

La première paroisse à Cusset

Selon Théodore Ogier, qui publie vers 1868, Villeurbanne et son canton, l’étymologie de Cusset proviendrait, « de la langue gallo-celtique et signifie lieu retiré, lieu caché ». Du XIVe siècle à la Révolution, « Vilurbane » ou encore « Vilorbane » selon les documents, est le nom de la paroisse réunissant trois hameaux éloignés les uns des autres, dont les terres dépendent du marquisat de Vaulx-en-Velin.

Situé à l'est du territoire communal, tourné vers les plaines du Bas‑Dauphiné et implanté sur un promontoire à l'abri des inondations du Rhône (la « balme viennoise », nom local de cette terrasse géologique), Cusset en est le premier centre, le plus ancien de ces hameaux, regroupé autour de sa vieille église. On s’y rendait de Lyon, par l’antique chemin de Saint-Antoine, du nom de la ferme qu’y possédait la congrégation du même nom - voie qui correspond aujourd’hui à la rue Moncey à Lyon, aux rues du 4 août et de la Convention, à Villeurbanne.

Les origines de la paroisse de Villeurbanne sont lointaines ainsi qu’en attestent des actes conservés aux Archives départementales du Rhône à partir de l’an 695. Parmi les plus anciens, on peut citer un acte de vente de 1235 de Guillelmine, veuve de Michel Gouverneur qui cède à Guigue, sacristain de l'église Saint-Paul de Lyon, tout le droit qu'elle avait dans la paroisse de Villeurbanne. En 1251, un certain Guido de Villaurbana, et Laurent de Villeurbanne, vend tout ce qu’il avait de droit au-delà du Rhône, au Grand Champ, au chapelain de l’Église de Lyon. En septembre 1267, un acte pour la réduction de la redevance due par Pierre de Vaux pour les terres et granges de Villeurbanne qu'il tenait en hommage-lige de l'Église de Lyon, réduction motivée par la cherté de la vie et la stérilité des terres. Selon Albert Montfouilloux, ces actes du XIIIe siècle « sont le premier état économique des agglomérations de la rive gauche proches de la ville. Ils démontrent que trois paroisses de la rive gauche : Villeurbanne, Chaussagne et Champagneux, sont vivantes et en rapports étroits ».

 Le centre de la commune

Le presbytère tient lieu de salle de réunion et salle d’école dans les premières années qui suivent l'instauration de la commune en 1790. Mais dès le 4 janvier 1792, le compte rendu du conseil de la commune mentionne que « n’étant pourvu en l’état d’aucun appartement pour le lieu des séances du corps municipal, il étoit indispensable de s’en procurer un qui joignit l’avantage d’avoir une prison et un corps de garde ». Une maison au n° 10 de la rue Cornavent (actuelle rue Pierre-Baratin) est ainsi louée comme première mairie, jusqu’à son déménagement sur l’emplacement de ce qui est aujourd’hui la place Grandclément.

En effet, une délibération du conseil municipal du 2 décembre 1841 préconise « que la salle de la mairie, les archives et bureaux seront transportés sur la place Dauphine ; en conséquence il sera choisi deux appartements destinés à l’effet d’y établir la mairie aux conditions les moins onéreuses ».

Sur la place de Cusset se tient une foire annuelle, chaque 15 novembre, jusque dans les années 1930. Le quartier est resté le site du cimetière communal : au cimetière paroissial traditionnellement rassemblé autour de l’église, succède en 1864, un cimetière plus vaste – dit aujourd’hui « ancien cimetière ». Puis, un « nouveau cimetière », toujours utilisé de nos jours, est inauguré en 1929. La toponymie gardait d’ailleurs trace de ce lieu avec une rue du Repos, jusqu’à ce qu’une délibération du 26 février 1904 la rebaptise rue Ernest-Renan.

L’une des premières lignes de transports en commun, le tramway Cordeliers-Cusset, devenue ligne du bus n°7, s’achevait devant le « Café du Terminus », établissement qui existe toujours, non loin de la sortie de la ligne A du métro actuel, station Cusset.

 La première école communale

Dès 1834, après la loi Guizot qui institue un « comité local de surveillance pour l’instruction primaire », un instituteur communal est nommé par le conseil municipal pour enseigner à Cusset d’abord dans le presbytère, puis à partir de 1838 dans la « locaterie » attenante au presbytère, jusqu’à ce qu’il soit rendu à ses fonctions initiales en 1864. A cette date, deux maisons sont louées par la ville à Joseph Gacon, rue Cornavent à côté de l’église, pour l’école des garçons et son instituteur, et à Charles Marchand, rue de la Liberté pour les filles et leur institutrice. Une délibération de mai 1854 intitulée « création d’écoles gratuites aux Charpennes et à Cusset » attribue une somme supplémentaire pour « l’établissement de l’instituteur de l’ancienne église ». Mais il faut attendre 1878 et l’application des lois républicaines pour que la municipalité de Jean-Marie Dedieu décide d’un programme de construction de bâtiments d’école communale dans les quatre sections les plus importantes de Villeurbanne : aux Charpennes, à la Cité Lafayette, aux Maisons Neuves et à Cusset.

L’école de garçons est édifiée en 1880, l’école de filles occupe en 1884 l’emplacement du deuxième cimetière ouvert en 1832 et fermé en 1864. Suivent jusqu’en 1905 des travaux de construction du logement de l’institutrice, d’une école maternelle et des salles de classes supplémentaires que nécessite l’afflux des enfants des familles des ouvriers embauchés à la construction du canal de Jonage. Le groupe scolaire de Cusset adopte progressivement le nom de la rue qui le borde, Ernest-Renan, à partir de 1904.

 Les bouleversements du quartier ancien

Première modification du quartier, le creusement du canal de Jonage suit la ligne de fortifications militaires qui ceinture l’agglomération. Achevé en 1899, il vient poser les limites du quartier à l’est. Les travaux d’équipements sportifs, qui participent du grand projet urbain de Lazare Goujon, débutent en 1931 par l’inauguration d’une piscine, associée à un stade le long du canal. La piscine deviendra le centre nautique Étienne-Gagnaire et le stade municipal, stade Georges-Lyvet.

Ce sont ensuite les travaux de prolongation du cours Émile-Zola autour de l'église et de la place de Cusset, qui modifient profondément l’aspect du quartier au milieu des années 1950. Le groupe scolaire Ernest-Renan se voit coupé en deux par le tracé de la voie.

Les travaux du métro inauguré en 1978 achèvent de bouleverser la physionomie du vieux quartier. Quelques habitations anciennes, dont, en 1988, la maison Gacon qui servit d'école, disparaissent au profit d’opérations immobilières importantes, au cours des dernières décennies.

En 1994, on finit d’abattre les immeubles vétustes de la rue Pierre-Baratin dont l’un abrita la première mairie, pour laisser place à un espace vert aménagé en contrebas de l’église ancienne et dénommé « Jardin des mille couleurs », espace de 3349 m² agrémenté de terrasses plantées de bambous, glycines, érables... Inauguré le 2 juillet 1999, il témoigne du souhait du conseil de quartier de Cusset-Bonnevay d’en faire un symbole de la restitution du vieux hameau de Cusset, face à l'église Saint-Athanase. Les « mille couleurs font référence aux premiers habitants , les Celtes, les Allobroges, les Romains, les Burgondes jusqu'à ceux qui sont venus s'installer plus récemment : Italiens, Espagnols, Maghrébins et plus près de ce temps, Vietnamiens, Cambodgiens, Chiliens,  Ukrainiens ».

Derniers vestiges

Selon le rapport de fouilles qui suivit les onze sondages archéologiques de 1997 (premières interventions archéologiques menées de manière scientifique jamais entreprises sur Villeurbanne), quelques indices attestent de l'occupation gallo-romaine de ce centre, sinon de l’existence d’une villa romaine sur le site.

Enfin, subsiste un dernier vestige de ce que les anciens appelaient le « Molard de Cusset », sur le site de l’ancienne propriété Gacon-Tarlet. Il s’agit des restes d'une motte castrale, tertre sous lequel des auteurs anciens comme Cochard et Perrier, mentionnent, eux aussi, la découverte au cours du XIXe siècle d’objets d’époque gallo-romaine .

Une délibération du jeune conseil municipal du 5 mai 1793 annonce la vente aux enchères de « l’horme situé au bas du Molard », pourtant décrit un peu plus tard, le 12 mai, comme le lieu où va être prêté « le serment de la garde nationalle de Villeurbanne. […] On a fait la farandole autour de l’arbre de la Liberté, on s’est mis à genoux devant lui, on y a chanté dans cette posture touchante l’hymne des Marcellois […] fait à Villeurbanne sur la place du Molard et au pied de l’arbre de la Liberté. »

Le fait est confirmé par N. Cochard qui, au début du XIXe siècle, revenant y chercher ses souvenirs d’enfance, remarque que « cet ormeau gigantesque dont l’existence remontait au règne d’Henri IV, couronnait de ses innombrables rameaux une petite place triangulaire que les jeunes gens de l’un et l’autre sexe venaient animer de leurs jeux à l’époque de la fête patronale, le jour de la Saint-Julien, le 29 août. Ce bel arbre a été abattu durant nos dissensions politiques, et le bal champêtre a cessé d’avoir lieu ».

Si, à la fin des années 1950, la percée du cours Émile-Zola a détruit la base sud du monticule, son centre est toujours enfoui sous la végétation, au cœur des immeubles.


Bibliographie

Aubry (Dominique), Villeurbanne et la Révolution française, Maison du Livre de l’image et du son, Villeurbanne, 1988, 171 p. (AMV 2C1408)

Cécillon (Christian), Roussel (Patrice), Rapport d'évaluation pour le projet de l'aménagement d'un jardin public rue Pierre Baratin à Villeurbanne (Rhône) lieu-dit "Cusset", DRAC Rhône-Alpes, 1997, 4 p., 6 fig. (inv./RAP-69-400 : 9804).

Cochard (Nicolas-François), « Promenade aux environs de Lyon : Villeurbanne, Vaux en Vellin, » extrait des Tablettes historiques et littéraires de la ville de Lyon , imp. Barret (avant 1834).

Houari (Myriam), Deux siècles d'école à Villeurbanne de 1800 à nos jours, 2003 [voir p. 45-46 l’histoire de l’école Ernest Renan] (AMV 2C913)

Maynard (Louis) Rétrospective historique et anecdotique de Villeurbanne : février 1790 - avril 1793, ATL, 1937, 164 p. (AMV 2C1409.1)

Maynard (Louis) Rétrospective historique et anecdotique de Villeurbanne : mai 1793-floréal an II, ATL, 1943, 61 p. (AMV : 2C1409.2)

Montfouilloux (Albert), Le plat pays Lyonnais-Dauphinois de la rive gauche du Rhône : Villeurbanne, Chaussagne, Champagneux, Béchevelin, La Guillotière, La Prairie, Les Brotteaux, Imp. Express, Lyon, 1929, 380 p. (AMV : 2C2955)

Montfouilloux (Albert), « La Poype ou Molard de Villeurbanne [à Cusset], Le Progrès (10 juillet 1965)

Montfouilloux (Albert), « La Poype ou Molard de Villeurbanne » [à Cusset] [chronique historique], L’Écho - La Liberté, 10 juillet 1965, n° 5682, p. 7 (AMV : AD943, 3C87)

Ogier (Théodore), Villeurbanne et son canton, Editions du Bastion, [1868], (AMV : 2C7)

Perrier (Jacques), Villeurbanne historique et biographique, ATL Villeurbanne, 1928 (AMV : 2C6)

Saunier (Dr Joseph), « Au pays du Velin : la vieille Poype ou Molard de Villeurbanne », Rive Gauche, juin 1970, n°33, p. 24-26 (AMV : AD3000, 3C149)

« Cusset, berceau de notre Cité, a son histoire », Voix du Peuple (La), 19 novembre 1945, n°366, p. 2 (AMV : AD1120, 3C88)

« Villeurbanne [histoire locale] », Vie lyonnaise (La), septembre 1966, n°131, pp. 56-59, (AMV : AD1834, 3C138)


Sources

Archives municipales de Villeurbanne

1D260-271 Registres de délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (1790 à 1901)

1D289 Registres de délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (1958-1959)

1M131 Cimetières (1842-1978)

1M21-23 Groupe scolaire de Cusset (Ernest Renan) : travaux de construction et modifications (1855-1976).

2O4 Ligne Perrache-Cusset (1903-1913).

Établissement de garages (1903-1908) : correspondance, arrêt, plan de la ligne des Cordeliers à Cusset, établissement d'un garage sur le cours Vitton prolongé vers la rue Magenta, plan du projet modifié. Pétitions sur les arrêts (1909-1912), terminus de Cusset et prolongement jusqu'à l'usine de Jonage des lignes 7 et 7 bis (1907-1913).Construction et suppression d'un triangle américain chemin du Roulet au terminus de Cusset (1913-1927) Substitution de la traction électrique à la traction animale (1897-1900) ; installation du timbre au lieu de la corne comme avertisseur (1909).

Ligne Vaise-Cusset (1906-1927) : ligne n° 3 avant-projet (1906-1909), pétitions (1908-1810)

 NC 5 Recueils de souvenirs et témoignages de Francisque Sautel, O.V.P.A.R. : manuscrit (1982) : "Comment mes parents vinrent habiter à Cusset … »

NC 6 Souvenirs recueillis par la cellule "Mémoire Vivante " de l'Office Villeurbannais des Personnes Agées et Retraités : "Souvenirs de Cusset au début du siècle jusqu'en 1945" : notes d'entretiens avec M. et Mme Bernard, 9 pages manuscrites (1984).     

Iconographie

2Fi 1-15, 401, 424, 438 : quartier de Cusset : cartes postales (1900-1940)

2Fi 132-133 : vues du pont métallique de Cusset sur le canal de Jonage : cartes postales (1920-1944)

4Fi 132 : Cusset, vue aérienne : photographie (1930)

19Fi 214 : Cusset, vue aérienne sur la piscine, le stade, le canal : photographie (entre 1931 et 1940)

 

Archives départementales du Rhône

Sur les écoles :

O 1913 Installation d’un instituteur public (1868)

O 1915 Location de maisons d’école et logement d’instituteur (1864-1882)

O1922 Construction du groupe scolaire (1880-1903)

O1921 Installation d’un gymnase dans l’école de garçons (1889)

O1925 Location de l’école maternelle de Cusset (1904-1907)

O3278 Construction d’une école maternelle (1926-1930) ; création de 2 salles de classe à l’école de filles (1926-1932)

Sur la voirie :

O684 Travaux sur la rampe dite du Molard (1850-1852) ; rectification du chemin vicinal allant de Cusset à la place Dauphine (1846-1847)

O687 Chemin vicinal n°5 : chemin Cornavant

O689 Chemin vicinal n°18 : rue de la liberté (1863-1869) ; chemin vicinal n°20 : chemin du cimetière (1868-1902)

O697 Chemin du Repos : rue E. Renan (1884)

O695 Place de Cusset : travaux d’agrandissement et nivellement (1862)

 Sur l’ancienne maison commune :

O1913 Création d’un poste de concierge spécial, affecté à la mairie (1866) ; baux d’un appartement de la maison commune de Cusset destiné à l’employé de mairie Lagrive (1859-1860)

O1916 Travaux de réparation de la maison commune de Cusset, logement du garde-champêtre (1872)

 Sur les transports en commun :

104W531 Projet (Raymond) de création d’une ligne de tramway Tolozan-Cusset (1886) ; embranchement sur Cusset du tramway à traction mécanique du Pont Lafayette à l’asile de Bron (1887) ; création de la ligne à traction mécanique des Cordeliers à Cusset (1890-1905).

104W543 Création de la ligne de tramway de la place de la République à Cusset (1890-1893)

104W521 substitution de la traction électrique à la traction animale sur la ligne n°3 Cordeliers-Cusset (1894) 140W535 Substitution de la traction électrique à la traction à vapeur sur la ligne n°3 avec embranchement de la place de la Bascule à Croix-Luizet (1899)


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