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Hôtel de Ville

L’hôtel de ville de Villeurbanne, place du Docteur-Lazare-Goujon, est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques depuis le 29 avril 1991. Conçu par l’architecte Robert Giroud, il constitue le cœur du projet politique et social du nouveau centre-ville des Gratte-Ciel édifié entre 1931 et 1934. Ses qualités architecturales contribuent, encore aujourd’hui, à affirmer l’identité de la Ville.

 

Hôtel de ville, façade sud, imp. Arnaud (4Fi370)
Hall du 1er étage en 1933 (4Fi420)
La salle du Conseil en 1933 (photo Sylvestre) (4Fi410)

Auteur(s) : Sandrine Madjar, historienne de l'art

Création d’un centre-ville

Au début du 20e siècle, Villeurbanne est une banlieue ouvrière constituée de quartiers éloignés les uns des autres. L’expansion rapide de la population pose des problèmes d’équipements et de salubrité. Face à l’urgence, la municipalité prévoit l’aménagement d’un nouveau centre urbain répondant aux besoins de la population en logements sociaux et bâtiments publics. Elle souhaite également affirmer son identité face à l’hégémonie de Lyon qui, dans un passé proche, a tenté de l’annexer à plusieurs reprises. Ce projet ambitieux de l’entre-deux-guerres est mené sous le mandat du maire Lazare Goujon (1869-1960), élu en 1924, et s’inscrit dans les visions hygiénistes et sociales de l’époque.

Au moment où apparaît la nécessité de construire le centre urbain, l’hôtel de ville de Villeurbanne, situé place de la Mairie depuis 1904[1], est excentré et trop exigu pour accueillir tous les services municipaux. Lors de la séance du 23 décembre 1929[2], le conseil municipal émet le souhait d’en construire un plus spacieux entre le futur Palais du travail et la rue Anatole-France. Il propose d’acquérir un terrain vague, appartenant à la Compagnie d’Applications Mécaniques, compris entre les rues Michel-Servet, Paul-Verlaine et Anatole-France, afin de réunir tous les services municipaux auparavant dispersés et de loger les services de l’État, tout en améliorant la coordination entre les quartiers. La séance du 11 août 1930[3] marque l’adoption définitive du projet d’aménagement du nouveau centre urbain dont fait partie l’hôtel de ville.

 Un projet d’envergure

Au cours de la séance du 20 janvier 1930[4], le conseil municipal met en place un concours, ouvert à tous les architectes français résidant en France, pour la conception du nouvel hôtel de ville. La municipalité impose la construction d’un édifice sur une place publique, avec une façade principale au sud, faisant face au Palais du travail.

Onze projets[5] sont déposés, dont ceux des architectes lyonnais Jean-Marius Pin, Môrice Leroux[6], ainsi que Chollat et Pérole qui obtiennent le 2e prix avec leur « Maison de verre ». Le 7 juillet 1930, le jury[7] décerne à l’unanimité le premier prix au projet « 713 » de l’architecte Robert Giroud[8], ancien grand prix de Rome. Le lauréat conçoit une architecture moderne et monumentale soumise à l’aval du conseil municipal, qui s’attache à refléter l’idéologie du socialisme municipal.

Dans le souci de ne pas obstruer l’axe entre l’avenue Henri-Barbusse et le Palais du travail, il propose une construction dotée d’un large porche central ouvert, coupant en deux parties le bâtiment. Cette configuration initiale déplaît à la municipalité qui craint un manque de communication entre les services et la limitation des fonctions de l’hôtel de ville à celles d’un simple lieu de passage. Elle préfère, au contraire, s’affirmer par une entrée centrale. En septembre 1930, Robert Giroud remanie les plans et remplace le porche ouvert par deux entrées nord-sud avec perrons et escaliers monumentaux.

L’aménagement du nouveau centre urbain, qui comprend la construction de l’hôtel de ville, est réalisé entre juin 1931 et juin 1934. La Société Villeurbannaise d’Urbanisme[9], maître d’ouvrage, finance la construction. La création de cette société, à l’initiative du maire Lazare Goujon, permet d’éviter de faire appel aux ressources de l’État, du département ou de la commune.

L’hôtel de ville, propriété de la commune, est érigé en moins de trente mois. En novembre 1933, les services administratifs de la ville de Villeurbanne sont transférés dans le nouveau bâtiment[10]. Le nouveau centre des Gratte-Ciel est inauguré officiellement le 17 juin 1934.

L’ancienne mairie est cédée à l’administration des Postes Télégraphes et Téléphones afin d’y établir le premier Hôtel des postes de la ville.

Une architecture identitaire

L’hôtel de ville, réalisé en béton armé, adopte sur une surface de 1600 m² un plan rectangulaire. Il s’élève sur trois étages surmontés d’un beffroi carré de 65 m de hauteur. Jean Fleury, ingénieur-directeur des services techniques de la ville, le décrit ainsi : « ... massif, d’un seul jet, il symbolise à la fois par son élévation la vigilance des édiles, par sa pure verticale exempte de saillie, leur volonté inflexible de réaliser. »[11]

L’édifice clôt la perspective et divise l’ensemble des Gratte-Ciel en deux parties. Les façades nord-sud présentent un traitement monumental similaire et sont mises en valeur par un escalier central. Chacune comporte un balcon axial, surmonté du blason de la ville. L’instauration du beffroi au nord accentue les lignes verticales tandis que le fronton rectangulaire au sud souligne les lignes horizontales du bâtiment. Cinquante colonnes engagées[12] et cannelées, rythment de manière décorative l’édifice. De grandes baies vitrées, insérées entre les colonnes massives, aèrent et allègent la structure.

Cette ordonnance stricte et symétrique souligne un style académique qui témoigne du courant moderne[13] des années 1930, tout en incluant des éléments inspirés du style néoclassique[14]. La monumentalité de l’édifice vient exprimer la volonté de la municipalité qui souhaite affirmer sa force et sa longévité. Ce bâtiment s’inscrit dans une période de renouveau dans la conception des hôtels de ville au sein de communes tenues par des maires réformateurs, le plus souvent socialistes[15]. On peut rapprocher ce modèle d’architecture fonctionnelle du projet de l’hôtel de ville de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), proposé par Tony Garnier en 1926, dont la réalisation, au début des années 1930, supprimera le beffroi à la demande du maire socialiste André Morizet[16].

Un aménagement fonctionnel

Selon l’ingénieur Jean Fleury, « l’intérieur est bâti sur un plan très simple, très clair […]. Pas de ces couloirs interminables […], point de ces retraites […], point de ces tambours capitonnés […], à l’intérieur : tout est simple et net […] dans cette « maison commune », l’air, la lumière, et les regards du public pénètrent sans entrave. »[17]

Les volumes intérieurs adoptent, en effet, des lignes sobres et géométriques. Les services sont répartis entre les trois premiers niveaux distribués par le grand escalier central. De vastes halls, puits d’air et de lumière, desservent les bureaux. Le rez-de-chaussée comprend les services de l’État devant être en contact direct avec le public, tels que Perception et Commissariat de Police. Les services administratifs sont regroupés au premier étage autour de deux halls symétriques. Le deuxième étage, desservi par une longue galerie, accueille la salle du conseil et la salle des  mariages dotée d’un orgue à une extrémité, la bibliothèque de la ville à l’autre. Ce niveau est dédié aux réceptions et aux bureaux des élus. Celui du maire, au centre de cette organisation spatiale, est prolongé par le balcon officiel qui donne sur la façade principale de l’édifice. Le troisième étage donne accès aux terrasses et au beffroi divisé en cinq salles superposées, aménagées avant la guerre en petit musée municipal.

L’escalier monumental s’ouvre sur le hall d’entrée du premier étage où deux larges colonnes, recouvertes de marbre noir, s’inscrivent dans la perspective. Les plafonds présentent des caissons à la française et les murs des salles sont recouverts en bois de placage. La décoration intérieure est traitée en céramique, marbre bleu noir, acajou, fer et cuivre.

Les rénovations de l’hôtel de ville

À la fin des années 1960, l’hôtel de ville est modernisé par étapes successives[18]. À cette occasion, les salles du conseil municipal, des mariages et des commissions sont rénovées. L’aménagement intérieur subit divers bouleversements, notamment à la faveur des transferts de la bibliothèque et des archives de la ville en 1988, dont les trois niveaux libèrent une grande surface.

Pour désengorger les services administratifs, en décembre 1990, est inaugurée une mairie annexe installée sur 2000 m², à proximité, rue Racine, opération suivie en 1992, d’une révision complète des locaux de l’hôtel de ville. Parallèlement aux opérations de  réhabilitation des Gratte-ciel menées par l’urbaniste Charles Delfante[19], un nouveau parvis est réalisé côté nord de l’hôtel de ville et le bâtiment ouvre un accès au rez-de-chaussée pour les services recevant le public. Depuis 1993, l’accueil général, anciennement situé au premier étage, est désormais au rez-de-chaussée[20]. Les façades extérieures sont restaurées une première fois en 1973, puis en 2000 avec le remplacement des fenêtres[21].

L’hôtel de ville est inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques suite à l’arrêté du 29 avril 1991 qui protège les façades et toitures, les halls et couloirs du premier et deuxième étage, la salle des mariages et les boiseries de la cheminée de la salle des commissions[22]. Le 10 mars 2003, ses qualités architecturales et ses spécificités techniques sont également reconnues par l’attribution du label Patrimoine XXe siècle[23].

 




Notes

[1] Actuelle place Jules-Grandclément. L’ancienne mairie fut construite par l’architecte lyonnais Michel Collet.

[2] 1D277 : Délibération du conseil municipal de Villeurbanne, séance du 23 décembre 1929, p. 113-114.

[3] 1D277 : Délibération du conseil municipal de Villeurbanne, séance du 11 août 1930, p. 169-179.

[4] 1D277 : Délibération du conseil municipal de Villeurbanne, séance du 20 janvier 1930, p. 117-188.

[5] Projets non retenus : 1M113-114.

[6] Lauréat du concours du Palais du Travail en 1928.

[7] Le jury est composé du maire, de trois conseillers municipaux, du secrétaire général de la mairie et de quatre architectes.

[8] Robert Giroud (1890-1943), originaire de Collonges-au-Mont d’Or, est issu d’une famille d’architectes. Formé à l’École des Beaux-Arts de Lyon avant de devenir en 1908 l’élève de Tony Garnier au sein de l’École régionale d’architecture de Lyon, il entre ensuite à l’École des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de Victor Laloux. En 1922, il obtient le grand prix de Rome. Il participe à des concours, restaure et construit des bâtiments dans la région lyonnaise. Il devient architecte départemental du Rhône, puis architecte des Postes, Télégraphes et Téléphones.

[9] La SVU est l’une des premières sociétés d’économie mixte. Elle est créée pour une durée de 60 ans par un groupe d’entrepreneurs de la région lyonnaise et de la Ville de Villeurbanne, qui s’engagent à constituer un capital de 10 millions pour la réalisation des travaux de construction de l’hôtel de ville et des Gratte-Ciel.

[10] « Transfert des services administratifs de la ville de Villeurbanne dans le bâtiment du nouvel hôtel de ville », Bulletin Municipal Officiel de la ville de Villeurbanne, n° 91, novembre 1933, p. 2087.

[11] Fleury (Jean), Le centre neuf de Villeurbanne : une conférence à Marseille sur le nouveau centre, Lyon, A.T.L., 17 octobre 1934, p. 7.

[12] Colonne partiellement encastrée dans la maçonnerie de l’édifice.

[13] Mouvement architectural émergeant en Allemagne en 1919 sous l’impulsion de l’architecte Walter Gropius et de son école du Bauhaus. Il se caractérise par un style dépouillé dont les éléments architecturaux sont produits en série afin de rendre accessibles à la classe populaire des logements confortables et fonctionnels.

[14] Période architecturale (1750-1850) qui se caractérise par un retour au classicisme des 16e et 17e siècles et à l’Antiquité.

[15] Rouden (Céline), 2014, "Les mairies, un symbole républicain ?", La Croix, document en ligne, consulté le 2015-06-16, <http://www.la-croix.com/Actualite/France/Les-mairies-un-symbole-republicain-2014-03-28-1127505>.

[16] Morizet (André), Boulogne-Billancourt : l’hôtel de ville, Paris, Imprimerie Launay, 1994 (1936), 16 p.

[17] Jean (Fleury), Id., p. 7-8.

[18] « Rénovation et modernisation de l’hôtel de ville », Bulletin Municipal Officiel de Villeurbanne, n° 378, mars-avril-mai 1969, p. 1162.

[19] 12Z1-25 : Réhabilitation des Gratte-Ciel (1992-1994).

[20] « L’hôtel de ville s’ouvre au rez-de-chaussée », Viva Villeurbanne, n° 70, février 1993, p. 8-9.

[21] « L’hôtel de ville rénové », Viva Villeurbanne, n° 134, février 2000, p. 9.

[22] Cette cheminée monumentale a été réalisée par des ouvriers des syndicats C.G.T. des menuisiers, ébénistes et sculpteurs sur bois, dans le cadre d’une exposition qui s’est tenue à Paris en 1914. Le 7 mars 1936, le maire communiste Camille Joly propose de l’exposer dans la salle des Commissions où elle est demeurée. Réalisée en bois de noyer, elle adopte pour thématique, le jour, la nuit et les quatre saisons.

[23] Le label Patrimoine XXe siècle a été créé en 1999 à l’initiative du Ministère de la Culture et de la Communication. Il signale les conceptions architecturales et ensembles urbains majeurs édifiés au 20e siècle nécessaires à transmettre aux générations futures.


Bibliographie

 Bourgin (Joëlle) et Delfante (Charles), Villeurbanne : une histoire de Gratte-Ciel, Lyon, Éditions lyonnaises d’Art et d’Histoire, 1993, 128 p.

 Lagier (Alain), « Hôtel de ville », in Clémençon (Anne-Sophie) (dir.), Les Gratte-Ciel de Villeurbanne, Besançon, Les éditions de l’imprimeur, 2004, p. 186-193 (cote AMV 2C210)

 Morizet (André), Boulogne-Billancourt : l’hôtel de ville, Paris, Imprimerie Launay, 1994 (1936), 16 p. (cote AMV 2C223)

 Videlier (Philippe), Gratte-Ciel, Genouilleux, Éditions La passe du vent, coll. commune mémoire, 2004, 224 p. 

 Hours (Henri) et Rosset (Philippe) (dir.), Pré-inventaire des monuments et richesses artistiques : Les mairies du Rhône (hormis Lyon), Lyon, Département du Rhône, 1991, 494 p. (cote AMV 2C2157)


Sources

Archives municipales de Villeurbanne :

 1M112 : Hôtel de ville, édification d’un nouvel hôtel de ville (1930).

 1M113-114 : Concours pour l’édification d’un nouvel hôtel de ville : projets non retenus (1930).

 1M115 : Hôtel de ville, construction et aménagement intérieur (1931-1932).

 1M117 : Hôtel de ville, travaux de construction (1932-1937).

 1D277 : Délibérations du conseil municipal de Villeurbanne (19 novembre 1928-22 janvier 1934).

 4C599 : Édification des Gratte-Ciel, revue de presse (1932-1936).

 12Z1-25 : Réhabilitation des Gratte-Ciel (1992-1994).

 

Sources imprimées :

 Fleury (Jean), ingénieur-directeur des services techniques de la ville de Villeurbanne, Le centre neuf de Villeurbanne : une conférence à Marseille sur le nouveau centre, Lyon, Association Typographique Lyonnaise, 17 octobre 1934, 29 p.

 Goujon (Lazare), Villeurbanne : 1924-1934, dix ans d’administration, Lyon, Association Typographique Lyonnaise, 1934, 437 p. (cote AMV 2C18)

 « Le socialisme municipal : la cité de Villeurbanne », L’Étudiant Socialiste, n° 5, février 1933, p. 10-11.

 « Villeurbanne, cité des Gratte-Ciel », La vie lyonnaise, n° 657, avril 1933, p. 29-31.

 « En contemplant les Gratte-Ciel de Villeurbanne, La dépêche Dauphinoise, 23 mai 1933.

 « Regards sur Villeurbanne », Lyon Républicain, 27 juin 1933, p. 4.

 « Le nouveau centre de Villeurbanne », Urbanisme, n° 16, juillet 1933, p. 211-215.

 « Transfert des services administratifs de la ville de Villeurbanne dans le bâtiment du nouvel hôtel de ville », Bulletin Municipal Officiel de la ville de Villeurbanne, n° 91, novembre 1933, p. 2087.

 « Villeurbanne Gratte-Ciel », La vie lyonnaise, n° 716, 2 juin 1934, p. 12-21.

 « Une métropolis française : Villeurbanne », Miroir du Monde, n° 222, 2 juin 1934, p. 668.

 « Le centre urbain de Villeurbanne », L’Illustration, n° 4762, 9 juin 1934, p. 210-213.

 « Villeurbanne : Le nouveau centre urbain (suite) », Revue d’administration communale, n° 43, mars 1935, p. 82-86.

 « Rénovation et modernisation de l’hôtel de ville », Bulletin Municipal Officiel de la ville de  Villeurbanne, n° 378, mars-avril-mai 1969, p. 1162.

 « L’hôtel de ville s’ouvre au rez-de-chaussée », Viva Villeurbanne, n° 70, février 1993, p. 8-9.

 « L’hôtel de ville rénové », Viva Villeurbanne, n° 134, février 2000, p. 9.

 
Webographie

Base Mérimée, 1993, Hôtel de ville, Ministère de la Culture et de la Communication : Architecture et Patrimoine, document en ligne, consulté le 2015-06-16, <http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_98=REF&VALUE_98=PA00118150>.

 

Rouden (Céline), 2014, « Les mairies, un symbole républicain ? », La Croix, document en ligne, consulté le 2015-06-16,<http://www.la-croix.com/Actualite/France/Les-mairies-un-symbole-republicain-2014-03-28-1127505>.

 


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