Des fermes aux usines : origines des populations villeurbannaises

Marchand de fourrages E. Brissaud ou Taillandier 54 grande rue des Charpennes], Paris, R. Guilleminot, Boespflug et Cie. Archives municipales de Villeurbanne / Le Rize, 2 Fi 84.

Comme dans la plupart des banlieues industrielles et des communes de bassins miniers qui se développent après 1850, la population nombreuse qui s’installe est d’origine rurale et étrangère.

La population d’origine rurale constitue l’essentiel des nouveaux arrivants pendant tout le XIXe siècle. Le texte de D. Devinaz nous parle des paysans du Bas-Dauphiné, venus en voisins. Les migrations rurales sont importantes comme dans toutes les villes et régions industrielles. Les migrants viennent en général des campagnes proches, vers la ville, à la recherche d’un travail.

Ouvriers dans l'usine Bally. Photographie. Collection Christophe Coupaud.

Dans le cas de l’agglomération lyonnaise, dès 1850, l’aire de recrutement est beaucoup plus large et dépasse le cadre régional. Yves Lequin, dans sa thèse sur les ouvriers de la région lyonnaise, considère qu’en 1851, l’attraction de la région lyonnaise s’étend à toute la France de l’Est et du Sud-Est. La création et le développement des lignes de chemin de fer accentuent et facilitent le mouvement. Les campagnes ne se vident pas, elles expédient leur excédent de population vers les villes. Ceci est différent du grand mouvement d’exode rural d’après 1945, qui, d’une ampleur bien supérieure, vide les campagnes. La courbe démographique de la population villeurbannaise permet de voir ces deux grandes phases de la croissance des villes.

Croissance de la population villeurbannaises, extrait de l'ouvrage d'Alain Belmont, Villeurbanne 2000 ans d'indépendance, Grenoble, Glénat, 2015

La population villeurbannaise, comme celle de toutes les banlieues ouvrières, croît aussi pendant tout le XIXe et une partie du XXe siècle grâce à l’afflux d’une population immigrée Toutes les régions industrielles de France, situées dans la France de l’Est, concentrent une part non négligeable d’étrangers dans la population active, dès la fin du XIXe siècle.

Les cartes de 1891 et de 1936 montrent que le département du Rhône appartient à cet ensemble. 3,2% de la population villeurbannaise est étrangère en 1891, ce qui correspond à la moyenne du département du Rhône. Le pourcentage passe à 16% en 1936, soit le double du pourcentage du département du Rhône à la même époque.

La région lyonnaise et Villeurbanne en particulier peuvent accueillir ces étrangers sans qualification qui viennent répondre à l’offre d’emplois industriels très forte et qui sont prêts à accepter des conditions de travail particulièrement difficiles. Ce fut par exemple le cas lors de la construction de la centrale hydroélectrique de Cusset et du canal de Jonage.

La proximité de l’Italie explique l’importance des contingents venant de ce pays.

La présence d’une colonie importante dans une commune explique l’afflux ensuite d’individus de même nationalité. Les individus déracinés s’efforcent souvent de s’installer à proximité de compatriotes, souvent originaires du même « pays », de la même commune, et parfois de la même famille, qui les accueillent, les logent, les aident à trouver du travail et à s’installer. Ainsi, à Villeurbanne, le quartier du Tonkin, entre autres, abrite un nombre élevé d’Italiens du Piémont.

La reproduction de pages du registre de recensement de 1931 pour la rue de l’Hippodrome (actuel boulevard du 11 novembre) permet de mettre en évidence l’existence de ces familles installées à Villeurbanne mais aussi de la structure familiale (parents, nombre d’enfants), de l'âge de chacun des membres, de leur profession et employeurs.

On repère facilement les origines villeurbannaises récentes des familles de nationalité française, puisque la plupart des chefs de famille et leur conjoint ne sont pas nés à Villeurbanne.