Loger les populations

Le quartier des Gratte-ciels

Gratte-Ciel : vue sur les immeubles et la rue Racine depuis le nord-ouest, Florentin [ Auteur ]. Photographie. Archives municipales de Villeurbanne / le Rize, 4 Fi 354.

La littérature est importante sur la construction du quartier des Gratte Ciel dans l’entre deux guerres.

La construction du quartier

Les photographies montrant la construction des immeubles de l’avenue Barbusse et de l’Hôtel de Ville permettent de préciser un peu l’originalité du projet.

Il est l’œuvre de la municipalité socialiste et en particulier de son maire, le Docteur Lazare Goujon.

Villeurbanne s’est bien agrandie. Les logements, mais aussi les équipements collectifs manquent. L’Hôtel de Ville édifié sur l’actuelle Place Grandclément et inauguré en 1904 est trop petit et excentré. Villeurbanne n’est toujours qu’une juxtaposition de quartiers sans centre  séparés les uns des autres par des terrains vagues ou des terres encore agricoles : Cusset, Maisons-Neuves, Charpennes, Croix-Luizet.

Des terrains sont libres dans le centre, convoités par des industriels. Les projets d’agrandissement de la Compagnie d’Application Mécanique qui quitte Villeurbanne permet à la municipalité de récupérer un vaste quadrilatère de terrains libres entre la rue Anatole France, et la rue Germain (actuelle rue Louis Becker), jusqu’au cours Emile Zola.

Le projet est prêt en 1930.

De nouveaux équipements

Implanter un nouvel Hôtel de Ville permettrait ainsi de donner du lien, fédérer, créer une ville à ce regroupement de quartiers.

Le projet comprend également un Palais du travail. Pour la municipalité socialiste, il s’agit de donner à la population ouvrière villeurbannaise des équipements sociaux et culturels : dispensaire et bureau d'hygiène, pour améliorer l’état sanitaire d’une population ouvrière pour laquelle l’accès aux soins de santé n’est pas facile, salles de réunions pour les sociétés mais aussi pour les syndicats, salle de spectacle qui peut contenir 1300 spectateurs, bains-douches et piscine. Cet équipement montre l’importance que les socialistes pouvaient accorder à l’accès à l'hygiène, à la santé et aux loisirs pour les classes populaires. Nous ne sommes pas loin de l’époque du Front Populaire et de la politique menée par ce gouvernement en faveur des loisirs populaires.

Les logements

Les 1500 appartements sont répartis en six blocs sur deux rangées le long de l’avenue Barbusse et de la rue Michel Servet.

L’architecture est audacieuse : des immeubles élevés, qui débutent au niveau du cours Emile Zola par deux grandes tours de 19 étages constituent les portes d’entrée de la ville.

Leur construction a été possible grâce à l’utilisation de techniques de construction utilisées pour les gratte-ciel édifiés aux Etats Unis à la même époque : une ossature de métal et de béton armé habillée de murs de parpaing.

Terrasses, aération, suppression des cours intérieures remplacées à l’arrière par des redans, les préoccupations hygiénistes sont prises en compte.

C’est surtout le confort dont disposent les appartements qui font à l’époque leur originalité. Ils comportent entre 2 et 7 pièces, permettant aussi de loger des familles nombreuses. Les appartements les plus nombreux comportent 3 pièces. Les photographies qui nous montrent un modèle de cuisine et de salle de bain permettent d’apprécier l’avance de cette réalisation, à un moment où dans les villes, la plupart des logements ouvriers sont des taudis sans lumière, humides, sans eau à l’intérieur. Ici, on trouve salle de bain, évier avec eau chaude et eau froide, WC, mais aussi ascenseurs, branchement pour cuisinière électrique et la radio, chauffage central alimenté par une centrale thermique urbaine.

Ceci est tout à fait exceptionnel.

Les commerces

Le rez-de-chaussée est réservé à des implantations commerciales.

Le témoignage de Monsieur Bettant, pâtissier, dont le père s’est installé aux Gratte-ciels dès l’inauguration en 1934 est très intéressant.Il insiste sur la difficulté des appartements et des commerces à trouver preneurs. Commerces et appartements restent vides. Pour les appartements, malgré des prix relativement modérés en fonction du confort et de la modernité des logements, ils sont chers pour une population ouvrière qui dispose de moyens limités. Les logements les plus hauts, encore plus chers, trouvent difficilement preneurs. Les baux commerciaux sont peu nombreux pour les mêmes raisons. Le style architectural, très moderne pour l’époque, surprend beaucoup.

Avant la guerre, de nombreux Juifs qui fuient l’Allemagne et ses persécutions, s’y installent et donnent vie au quartier.