Cohabiter
On les aperçoit quelquefois le dimanche, au hasard d’un déplacement en auto sur des rues commerciales peu fréquentées à cette heure. Ils surprennent. Que font là, peu après midi, ces petits groupes d’adultes noirs tout endimanchés qui semblent sortir de nulle part et qui devisent aimablement entre eux avant de se disperser, certains attendant le tramway, d’autres montant dans leurs autos ? Pourquoi être habillés comme s’ils sortaient d’une réception, à cette heure, alors que les rares passants portent des vêtements de fin de semaine un peu négligés ? Ce sont probablement des Africains, pense-t-on spontanément. Mais que font-ils là ?
Le promeneur curieux apprendra beaucoup plus tard qu’il a été témoin de la sortie du culte dominical d’une des multiples Églises pentecôtistes rassemblant des Français d’origine africaine dans des salles qui n’ont rien pour les distinguer des locaux commerciaux des alentours. Plus tard encore s’imposera l’idée d’aller à la rencontre de ces nouvelles communautés ethnoconfessionelles pour les découvrir et tenter de discerner quel est le rôle que joue leur appartenance religieuse dans le processus de recomposition identitaire qui traverse tous les groupes immigrants.
L’identité de la population d’accueil change aussi plus qu’on veut bien l’admettre. Les personnes et les communautés se rencontrent dans la ville, cachant le plus souvent cette part invisible d’eux-mêmes où se loge une dimension religieuse multiforme mise trop souvent à mal par de silencieuses exclusions.
Louis Rousseau