L'instrument dans l'espace monde

En colonisant le monde à partir de la fin du XVe siècle, les Européens ont cherché à s’approprier les cultures qu’ils rencontraient, rapportant des objets et les classifiant. L’organologie, c’est à dire l’étude des instruments de musique, provient de cette volonté de maitriser la diversité des cultures, avec un point de vue originellement très occidental, qui fait aujourd’hui débat.

Pourtant, ranger les instruments du monde dans des découpages historiques et géographiques bien délimités n’est pas une mince affaire. Les musiques, tout comme les cultures, ne suivent pas des règles linéaires d’évolution. Certains instruments aux propriétés plastiques et sonores comparables ont pu émerger simultanément aux quatre coins du globe, sans que l’on puisse en conclure qu’ils composent les maillons d’une chaîne de filiation logique, dénuée de toute coïncidence. C’est le cas de l’arc musical par exemple, dont les premières traces peuvent être retrouvées en Afrique, mais aussi en Inde ou au Brésil. D’autres au contraire, comme les hautbois du monde, ont indéniablement été façonnés, transformés au rythme des vagues coloniales, des mouvements migratoires des hommes et des tracés commerciaux intercontinentaux.

L'espace monde

Cette grande carte des instruments de musique rencontrés à Villeurbanne n’a donc pas la prétention de les répartir selon leurs origines géographiques objectives, scientifiques. Chacun de ces objets a été localisé dans le monde selon son histoire individuelle, indissociable des voyages, des mémoires et des pratiques culturelles de leurs propriétaires. De même, les cinq faisceaux de couleurs qui traversent les continents ne sont pas à lire comme des classifications immuables, mais comme des cousinages, des résonances attestées ou mystérieuses. Ceci est une invitation à déchiffrer les musiques du monde avec les lunettes du mouvement des hommes, des hasards des rencontres et des emprunts culturels qui nous rappellent que les instruments de musique, tout comme les cultures, ne cessent de se réinventer.