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Les relations entre patrimoine et numérique

On assiste depuis plusieurs années à l’émergence d’un patrimoine numérique public. En effet, Internet devient de plus en plus un lieu de conservation d’informations virtuelles, qui ne sont pas conservées ailleurs.

Par ailleurs, le développement de l’Open Data amène à reconsidérer le rapport des institutions et du public avec le patrimoine numérique. L’idée générale est la mise à disposition de l’ensemble des citoyens (et donc, par voie de conséquence, des entreprises et des services des administrations) de données en ligne « FAIR » (Faciles à trouver, Accessibles, Interopérables, Réutilisables). Cette approche permet de valoriser les services et outils existants, mais aussi de soutenir la mise en place de nouvelles pratiques ou de nouveaux outils. Un patrimoine numérique commun est entrain de se constituer à différentes échelles.

Or, le Rize+ propose déjà de l’Open Data qui ne dit pas son nom : les données du Rize et notamment les archives numérisées, sont librement téléchargeables par le public. Ce site peut donc lui aussi participer à la construction d’un patrimoine commun numérique plus large.

Repères chronologiques

La célèbre initiative Internet Archive a entrepris de longue date, de conserver les archives de l’Internet. En effet, les publications en ligne sont par nature limitées dans le temps. Il s’agit donc là une politique d’archivage numérique spécifique. Pour la bibliothèque virtuelle constituée par l’organisme voir : https://archive.org/

 

En France, la mission nationale Etalab, créée en 2011, a pour objectif d’ouvrir, de partager et de valoriser les données publiques. Elle est un département de la direction interministérielle du numérique (DINUM) et coordonne notamment le Service public de la donnée. Les dix années de cette mission l’on aujourd’hui amenée à un certain degré de maturité, ce qui permet aujourd’hui à l’État de partager de plus en plus de données en Open Data, et d’encourager le partage par de nombreux utilisateurs de données en licence ouverte, sur des sites publics. A travers la notion d’Open data, un véritable patrimoine numérique public et/ou commun est entrain de voir le jour. Ce processus est encouragé par l’Union européenne qui a aussi une politique en la matière.

Les enjeux contemporains de l'Open Data

D’une façon générale, l’idée principale de l’Open Data, telle qu’elle est portée par la mission Etalab de l’État, est que la grande majorité des données produites ou financées par le service public doivent être disponibles sous licence libre, en ligne pour l’ensemble des citoyens français.

 

Une étape législative importante pour ce projet est la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique qui a commencé à légiférer en la matière. Ainsi, depuis le 08 octobre 2018, près de 4500 collectivités territoriales sont tenues de publier, par défaut, leurs données non protégées. Cependant, la mise en place de cette obligation réglementaire est, en pratique, plus longue[1].

 

De nombreuses données administratives (données fiscales, base Sirene, données géographiques, etc.) sont aujourd’hui disponibles sur les plateformes : https://www.data.gouv.fr/ et https://geo.data.gouv.fr/. Le Grand Lyon a également un politique très dynamique en la matière avec son site https://data.grandlyon.com/

 

Dès lors que l’Open Data concerne des données produites par d’autres acteurs que les administrations, cette approche a des incidences en matière de propriété intellectuelle. Diffuser en Open Data des informations produites par des partenaires non publics ou par des prestataires suppose que les commandes publiques ou les conventions intègrent dans leurs cahiers des charges la cession par ces acteurs de droits de reproduction, d’exploitation, de représentation, etc.



[1] Voir à ce sujet Mazon Romain, « Open data et collectivités : qui fait quoi, et comment ? », La Gazette des Communes, publié en ligne, URL : https://www.lagazettedescommunes.com/586475/open-data-et-collectivites-qui-fait-quoi-et-comment/, 12 octobre 2018 (consulté le 21/04/2021).

 

L'Open Data et les biens culturels

L’idée que les biens culturels et les informations commandées ou produites par le secteur public doivent relever du domaine public n’est en réalité pas nouvelle.

 

Depuis longtemps déjà, par exemple, aux USA, l’ensemble des productions financées par l’État fédéral américain sont considérées comme appartenant au domaine public. C’est ainsi, par exemple que les images réalisées par les célèbres photographes Dorothea Lange et Walker Evans lors d’une mission photographique pour l’État fédéral américain dans les années 1930 ont toujours été dans le domaine public. Elles sont aujourd’hui partagées en ligne sur le site de la Library of Congress.

 

Avec l’avènement d’Internet, les États-Unis ont très tôt saisi l’enjeu du patrimoine public numérique, notamment en matière de partage en ligne d’images issues des archives et bibliothèques publiques. Ces actions s’inscrivent dans la stratégie globale de rayonnement international de ce pays (Soft Power). L’Europe tente aujourd’hui de suivre le mouvement avec un certain retard.

 

Les contenus culturels anciens, qui ne sont tombés dans le domaine public font aujourd’hui l’objet d’une valorisation en ligne. Le portail Europeana regroupe par exemple des données en ligne de différentes institutions patrimoniales européennes.  Le ministère de la Culture a par ailleurs récemment ouvert son portail Pop Culture. Cette « plateforme ouverte du patrimoine » vise à rendre accessible au public l’ensemble des informations d’intérêt collectées, vérifiées et/ou produites par le Ministère de la Culture à travers ses services centraux, territoriaux et ses partenaires.

L'Open Data et la sphère publique

Des initiatives en matière d'Open Data se développent en relation avec les collectivités territoriales.

La SCOP Datactivist a, par exemple, travaillé avec plusieurs collectivités territoriales, administrations nationales ou ONG autour de leur projet d'ouverture des données. Elle a donne des formations sur le sujet à l'association des archivistes français, ou au ministère de la Culture. Elle a aussi collaboré à des projets spécifiques avec le ministère de l'Enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ou avec le portail scientifique Open Edition. 

Formation à l'association des archivistes français (AAF)

Cette formation vise à :

  • com­pren­dre les grands prin­ci­pes de l’ouver­ture des don­nées
  • appré­hen­der le cadre juri­di­que spé­ci­fi­que aux don­nées publi­ques, tout en maî­tri­sant les enjeux liés à la qua­lité des don­nées ouver­tes
  • faci­li­ter la réu­ti­li­sa­tion et dis­po­ser des infor­ma­tions essen­tiel­les pour ini­tier une démar­che d’open data dans son ins­ti­tu­tion

Consulter et télécharger le support de formation.

 

Formation aux agents du ministère de la Culture

Cette action de formation a été déclinée en deux modules de formations d’une journée adaptés aux besoins des publics.La première session intitulée “comprendre les enjeux de l’ouverture des données publiques culturelles” portait sur :

  • Les origines historiques et les grands principes de l’ouverture des données
  • Le cadre juridique de l’ouverture des données culturelles
  • Les grands principes de la conception d’une stratégie d’ouverture de données.
  • Pour plus d’infos : consultez le support d'information

La deuxième session intitulée “l’ouverture des données publiques culturelles en pratique” porte sur :

  • La sélection, la préparation et la diffusion des données ;
  • Les formats, la complétude, la découvrabilité des données ;
  • La production d’un jeu de données et de qualité et les enjeux liés au nettoyage
  • La valorisation des données et le développement des usages.
  • Pour plus d’infos : consultez le support d'information

 

Plus globalement, la SCOP propose en ligne des supports de formation en ligne sur les enjeux de l'Opendata :

Elle a aussi effectué, en partenariat avec des collectivités et la Banque des territoire, une Cartographie du patrimoine de données des collectivités territoriales.

Datactivist a aussi élaboré un site d'outils pour élaborer un projet d'Open Data, Open Data Canvas, qui comprend à la fois des ressources en terme de process, mais aussi des outils dédiés aux collectivités territoriales. Le lien le plus plus intéressant est probablement le Socle Commun des Données Locales (SCDL), porté par Open Data France.

Socle Commun des Données Locales (SCDL)

Les spécifications des modèles de données applicables aux jeux de données du Socle Commun des Données Locales (SCDL) visent à homogénéiser la publication en open data de données essentielles produites par des acteurs territoriaux (collectivités locales ou partenaires).


Objectifs:
  • Spécifier le modèle et la structuration d'un ensemble de jeux de données prioritaires
  • Elles aident les producteurs à créer et à améliorer la qualité des données qu'ils publient.
  • Elles facilitent l'exploitation des données publiées par les réutilisateurs (agrégation, consolidation et traitements automatiques).
  • Elles portent sur des jeux de données préalablement sélectionnés comme prioritaires

 

Par ailleurs, un observatoire de l'Open Data, Data publica a réalisé deux publications intéressantes :

 

L'Open Data et l'Open Science

Enfin, cette politique en faveur de l’Open data a des incidences en matière de recherche. En effet, la notion d’Open Science se développe. Elle est notamment pensée comme une condition nécessaire de vérification par les pairs et de reproductibilité de certaines expériences scientifiques. Engagé dans ce sens depuis 2001, le CNRS a d’ailleurs créé un site dédié à ce sujet. L’institution a d’ailleurs mis en place une feuille de route dédiée à ce sujet.

 

Son premier objectif est le suivant :

« Les publications scientifiques, produites par le travail des chercheurs et des chercheuses du CNRS, et financées en majorité sur des fonds publics, doivent être à 100 % accessibles[1]  et réutilisables à l’échelle de temps de la feuille de route. Les droits d’auteur ne doivent pas être cédés[2]. »

 

Son deuxième objectif est le suivant :

« Les données (données brutes, textes et documents, codes sources et logiciels ) produites par les chercheurs et les chercheuses CNRS ou avec des moyens mis en œuvre par le CNRS doivent être, dans la mesure du possible, rendues accessibles et ré-utilisables selon les principes FAIR pour une consolidation des connaissances essentielle au développement d’une science plus efficiente[3]. »

 

Par ailleurs, en en avril 2020, l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) a publié en Open data les données des projets qu’elle a financés entre 2005 et 2019.



[1] Note du CNRS : Cela ne remet en cause, ni la protection des données personnelles, ni la protection de la propriété intellectuelle, ni tout autre protection nécessaire. Il s’agit d’être « Ouvert autant que possible, fermé autant que nécessaire »

[2] CNRS, « Feuille de route du CNRS pour la science ouverte », CNRS Science Ouverte, publié en ligne, URL : https://www.science-ouverte.cnrs.fr/wp-content/uploads/2019/11/Plaquette_Science-Ouverte_18112019.pdf, (consulté le 21/04/2021). p.6

[3] Ibid, p.8

Les perspectives à moyen terme

On l'a vu, ce sont à la fois le patrimoine culturel,  les données produites par les administrations, les données et les résultats scientifiques qui font l’objet d’une intégration progressive dans une stratégie nationale et européenne globale d’Open Data.

Ce contexte, à la fois européen et français permet de dire que le processus de mise en ligne des archives publiques  et des médiations culturelles va s’accélérer et que l’État français va continuer à développer des politiques à la fois incitatives et des obligations réglementaires en ce sens. Un service patrimonial local a donc tout intérêt à prendre en compte l’existence de cet enjeu à moyen terme. Cette dimension est aujourd’hui incontournable dans les stratégies patrimoniales culturelles.

 

Au sein de la fonction publique territoriale, certaines institutions ont depuis plusieurs années pris en compte ces enjeux : la région Rhône-Alpes a pris créé Lectura +, un portail du patrimoine écrit en graphique en Rhône-Alpes. On y trouve notamment une liste relativement complète des portails de ce type à différentes échelles (européenne, nationale, régionale, départementale, municipale). Le Rize+ y est d’ailleurs référencé.

 

Des institutions nationales patrimoniales se lancent de plus en plus dans des projets transversaux fondées sur des mises en liens de leurs bases de donénes (linked data).

Voir, par exemple, la base Dicotopo, mis en ligne par l'École des Chartes, qui a l'ambition de faire le lien entre patrimoines archivistiques et recherche historique.

Voir ci-dessous une conférence d'explication sur ce sujet.

Conclusion

La notion d’Open Data, en plein développement, suppose donc une réflexion sur la cession de droits d’une partie des droits de propriétés intellectuelles de la part des producteurs de ressources mise en ligne.

Dans le cas du Rize, la réutilisation en ligne d’informations produites par des prestataires ou des partenaires suppose une prise en compte de cette dimension dans les conventions et contrats passés avec ces interlocuteurs. C’est une condition nécessaire de l’alimentation du site du Rize +. En l’absence de prise en compte de cette condition, la communicabilité en ligne des archives est fortement restreinte, ce qui empêche de partager publiquement certaines archives produites dans la deuxième partie du XXe siècle par exemple.

Cette dimension a des conséquences non négligeables sur l’originalité et la modernité des informations et médiations en ligne sur le site du Rize+. En effet, l’usage des seules archives de la première partie du XXe siècle donne à l’ensemble du site un caractère un peu désuet et ne permet pas de rendre compte de façon correcte de l’évolution historique du territoire.

Par ailleurs, l'idée que l'information publique a vocation à être plus largement partagée suppose également un changement des représentations des acteurs. au sein de la fonction publique. Le Rize est également dans ce cas.

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