Instruments «  planétaires »

Synthétiseur (c) Costanza Matteucci

Il est une famille d’instruments de musique que les spécialistes de l’organologie du début du XXe siècle n’auraient pu prédire : celle des instruments « planétaires ». Cette catégorie n’existe dans aucun traité. Nous l’avons arbitrairement choisie pour nommer ces instruments qui, à la faveur du développement galopant de la facture industrielle, se sont répandus en quelques décennies sur tous les continents. La batterie, par exemple, a connu une diffusion massive autour des années 1950, notamment grâce à la commercialisation de peaux synthétiques et à l’avènement du rock’n’roll. Invention de la fin du XIXe siècle boudée par les plus grands compositeurs de son temps, le saxophone fut rapidement promu symbole du jazz, puis du funk et d’autres musiques populaires du monde entier. On ne saurait oublier enfin les instruments électroniques comme les synthétiseurs et boîtes à rythme, instruments « planétaires » par excellence.

Ces instruments pratiqués « partout » dans le monde ne sont pourtant pas de nulle part : leurs modes de production et de commercialisation sont au contraire très localisés, bien souvent en Asie orientale. Ils ont fait irruption dans nos vies quotidiennes avec l’explosion d’internet, au début des années 2000. Parmi eux, le kalimba (un « piano à pouces » industrialisé) ou le ukulélé sont capables à eux seuls de rassembler en quelques semaines des millions de vues sur des vidéos de démonstration et des tutoriels en ligne. Rappelons-nous également de la naissance du hang, cet instrument en forme de soucoupe volante à la sonorité lunaire, découvert sur les réseaux sociaux il y a une quinzaine d’années et dont le succès a littéralement flambé : dépassés, ses créateurs ont depuis décidé de fermer boutique.

Bien d’autres branches devraient être ajoutées à cette cartographie pour qu’elle puisse couvrir tous les instruments de la planète ; des familles nécessairement mouvantes puisque de nouvelles formes et sonorités apparaissent années après années. Ce qui nous oblige à repenser sans cesse nos manières de catégoriser et de représenter les cultures du monde, à la fois diverses et entremêlées.