Le voyage des anches libres

(c) Costanza Matteucci

Quel est le point commun entre l’accordéon italien d’Elsa I. et le hulusi chinois de Julien O. ? Aucun nous direz-vous ! L’un s’est construit autour d’un soufflet et ressemble à un « piano à bretelles », l’autre est monté sur une calebasse et paraît plus proche de la flûte à bec ou de la cornemuse. Le premier est né en 1829 en Autriche et se joue avec les bras, tandis que l’autre serait apparu aux alentours de 200 avant JC dans le sud de la Chine et se joue avec la bouche. Et pourtant, l’accordéon et le hulusi appartiennent à la même grande famille des anches libres, de petites languettes de métal mises en mouvement par un courant d’air. Le premier instrument connu fondé sur ce mécanisme de production du son serait le sheng, un orgue à bouche chinois que l’on date de 1100 ans avant Jésus-Christ. Les instruments à anche libre auraient été conçus comme des répliques fidèles de la voix humaine : du souffle et deux membranes qui en vibrant, produisent du son. C’est peut-être la famille organologique la plus surprenante de l’histoire de la musique, tant les instruments qui la composent semblent parfaitement étrangers les uns aux autres : l’accordéon et le hulusi y côtoient l’harmonica, le concertina, certains orgues et même la petite guimbarde, qui n’est autre qu’une anche vibrante dans son plus simple appareil.