Villeurbanne, ville ouvrière ?
L’agglomération lyonnaise s’est construite, à son grand avantage, autour d’un bassin industriel polymorphe : chimie, textile, mécanique, pharmacie, biologie… A la différence du Nord et de la Lorraine, l’agglomération n’a pas subi les effets d’une désindustrialisation brutale d’une partie de ses actifs industriels, pas plus qu’elle n’avait eu à subir les effets du départ d’industries tenues pour stratégiques durant les guerres du 20e siècle ou enduré les effets de destructions massives.
Le maintien et le renouvellement du tissu industriel ont pu s’y effectuer sans à-coup majeur et ont conduit à la reconnaissance contemporaine de cinq pôles de compétitivité, dont deux tenus pour être de niveau mondial. Philippe Dujardin, politologue, résume ainsi : « Lyon n’a pas eu à vivre la fin d’un monde ». Et il esquisse quelques autres pistes d’interprétation de l’absence de patrimonialisation des mémoires industrielles et, partant, des mémoires ouvrières. En effet, nulle institution patrimoniale ne prend en charge cette histoire industrielle lyonnaise, à la différence de ce qui se pratique à Saint-Etienne avec le Musée d’art et d’industrie ou le Musée de la mine ou, dans une ville comme Manchester, avec son remarquable Musée des sciences et de l’industrie. Il note également que l’Université, très tard venue dans l’histoire de Lyon (1896), n’a pu générer une forte tradition historiographique favorable à la mise en exergue des savoir-faire lyonnais ; que si la légitimation récente de l’histoire orale a permis de collecter des fragments des mémoires ouvrières, il reste encore à mettre en cohérence ces micro-récits.
On peut ainsi imaginer que toutes ces raisons convergent pour rendre difficile la mise en œuvre d’une politique territoriale qui, à l’échelle de l’agglomération comme à celle de la ville de Villeurbanne, fasse le lien entre le passé et l’avenir et honore ce « génie du lieu » qui est de « penser avec les mains ».